Les vins effervescents européens (1/3) – la vinification

Le Champagne n'est plus le seul vin effervescent de qualité: les crémants, les Prosecco, Cava et Sekt ont fait d'énorme progrès

Les vins effervescents représentent 7% de la production mondiale de vin !

Alors que la consommation de vin diminue régulièrement dans le monde en raison du durcissement des politiques sanitaires, il est une catégorie de vin dont le succès ne se dément pas : les vins effervescents. Appréciés par leur fraîcheur et portés par un marketing nouveau, leur production a en effet cru de 25% en 10 ans. Ils représentent aujourd’hui 7% de la production mondiale de vin.

Or lorsqu’on parle de vin effervescent, on pense immédiatement à notre champagne national. Or ce serait une erreur de croire que cette croissance lui serait due. Au contraire, ses cousins les crémants, ses voisins italiens (Prosecco), espagnols (Cava), allemands (Sekt) sont les principales locomotives de ce renouveau.

L’occasion de s’intéresser à la vinification des vins effervescents et de regarder ce que produisent nos vignerons français et leurs voisins européens. Avec quelques recommandations à la clef !

Pourquoi un vin est-il effervescent ?

Le gaz carbonique dissout dans le vin est libéré à l'ouverture de la bouteille sous forme de bulles

Le gaz carbonique dissout dans le vin est libéré à l’ouverture de la bouteille sous forme de bulles

Un vin effervescent est un vin qui contient des bulles. Selon leur concentration et leur finesse, ces bulles apportent au vin une sensation de fraîcheur qui va du picotement discret sur la langue à une explosion festive en bouche. Ce n’est pas un hasard si on appelle « vin tranquille » les vins qui ne sont pas effervescents !

La présence des bulles est due au taux de gaz carbonique (CO2) contenu dans la bouteille. Celui-ci est produit lors de la fermentation alcoolique. En effet la fermentation est le procédé chimique de transformation du sucre en alcool sous l’effet de levures. Elle libère de la chaleur et du gaz carbonique.

Tous les vins contiennent donc du gaz carbonique. Mais l’essentiel de celui-ci s’échappe lors de la vinification (au cours des changements de cuve et des soutirages). Si la pression du gaz carbonique est inférieure à 0,5 bar l’effervescence n’est pas décelable en bouche.

Mais lorsque la fermentation et les étapes suivantes ont lieu en milieu hermétique, le gaz carbonique se trouve alors piégé. Il se dissout dans le vin et ne peut s’échapper qu’à l’ouverture de la bouteille… sous forme de bulles !

Il existe plusieurs sortes de vins effervescents, catégorisées par leur teneur en dioxyde de carbone :

Les vins perlants (ou « perlés ») contiennent un faible taux de gaz carbonique (moins de 2g de CO2 par litre). En France, les vins perlants sont généralement des vins blancs secs. Le plus connu d’entre eux est le Muscadet, vinifié à partir du cépage « melon de Bourgogne », dans la vallée de la Loire. Essayez-le en accompagnement d’une assiette d’huîtres ! Les vignobles de Gaillac (le Gaillac perlé), de Savoie et de Suisse en produisent également.

En Italie, la région du Piémont produit un vin blanc doux perlant intéressant: le Moscato d’Asti. Vinifié à partir du cépage muscat blanc, il présente un nez de fleurs d’oranger et des arômes parfumés. A boire vite (je veux dire: ne pas le faire vieillir), à l’apéritif ou en dessert.

Les vins pétillants présentent une effervescence plus forte: le gaz carbonique subit une surpression de 1 bar à 2,5 bars. Certains Prosecco italiens sont des vins pétillants : les Prosecco « Frizzante ».

L’Italie présente également l’originalité de produire un vin pétillant rouge et doux: le Lambrusco. Originaire de la plaine du Pô autour de la ville de Modène, il est vinifié à partir du cépage rouge du même nom. Il produit des vins légers, sans prétention, à boire jeune, qui développent des arômes de fruits rouges et une bulle discrète. Essayez le Lambrusco en accompagnement d’un plat de pâtes.

Les vins mousseux sont ceux qui présentent l’effervescence la plus forte, le gaz carbonique y étant piégé à plus de 3 bars. Ils peuvent être produits selon différentes méthodes, souvent spécifiques à chaque pays comme on va le voir par la suite.
Le Champagne, les Crémants, le Cava, le Sekt et le Prosecco dit « Spumante » sont tous des vins mousseux.

La vinification des vins perlants

Le muscadet, un vin perlant de la vallée de la Loire, s'accorde parfaitement avec un plateau de fruits de mer

Le muscadet, un vin perlant de la vallée de la Loire, s’accorde parfaitement avec un plateau de fruits de mer

Les vins perlants sont un peu particuliers. La fermentation n’as pas lieu dans la bouteille proprement dite. Après la fermentation alcoolique, ils sont élevés « sur lie ». Les lies sont les résidus de levures mortes et des restes végétaux que l’on observe au fond de la bouteille de vin après fermentation. Celles-ci peuvent être soutirées. Mais certains vignerons font le choix de laisser les lies les plus fines car elles confèrent au vin rondeur et fraîcheur.

Dans le cas des vins perlants, l’élevage sur lie présente en outre l’avantage d’éliminer l’étape de soutirage, ce qui évite de libérer le gaz carbonique issu de la fermentation. Celui-ci reste donc dissout dans le vin jusqu’à la mise en bouteille.

Contrairement aux autres vins effervescents, le bouchon de la bouteille de vin perlant ne saute pas à l’ouverture, car la pression de gaz carbonique y est trop faible. Les bulles n’apparaissent que lorsque le vin se réchauffe, autour d’une température de 20°. Il n’en reste pas moins que ces bulles confèrent aux vins perlants une certaine vivacité agréable en bouche.

Les différentes méthodes de vinification des vins mousseux

Première étape : la vinification d’un vin tranquille

La production d’un vin mousseux commence tout simplement par la vinification d’un vin « tranquille ». C’est à dire d’un vin normal, sans bulle. La vinification d’un vin tranquille de qualité est un critère important pour l’obtention d’un bon vin mousseux. Qu’il s’agisse du Champagne, des Crémants, des Prosecco, Cava ou Sekt, les cépages et méthodes de vinifications locales s’imposent donc.

Les jus issus des vendanges de différents cépages ou différents terroirs sont généralement vinifiés séparément, puis assemblés. Lors de l’assemblage, l’œnologue va les mélanger selon un dosage savant afin d’obtenir un vin plus équilibré, riche et complexe. A noter qu’en Champagne, l’assemblage fait également intervenir des vins issus de millésimes (d’années de vendanges) différents. Cette pratique est unique: elle est interdite ailleurs en France et peu pratiquée dans les vignobles européens. Pour les années exceptionnelles, le vigneron champenois peut décider de n’assembler que des vins issus de cette année, on parle alors de champagne millésimé.

deux coupes de champagne roséLa vinification de vins effervescents rosés est également une tradition respectée dans la plupart des vignobles. L’obtention d’un vin mousseux rosé se fait le plus souvent par « saignée ». C’est à dire en laissant macérer les jus avec les peaux des raisins rouges afin de laisser passer de la couleur. Les vins mousseux rosés représentent 5% de la production des vins effervescents.

A noter qu’en Champagne, il est autorisé de vinifier des vins rosés par assemblage de vins rouges et de vins blancs. Cette pratique est interdite dans le reste de la France, et pratiquement partout en Europe. Héritage historique ou passe droit ? 🙂

Une fois le vin tranquille fermenté, reste encore à produire les fameuses bulles. Il existe pour cela différents méthodes et leurs multiples variantes locales.

La méthode traditionnelle dite « méthode champenoise »

La méthode traditionnelle est également appelée « méthode champenoise » bien qu’elle soit aujourd’hui utilisée un peu partout dans le monde. Sa spécificité consiste au déclenchement d’une seconde fermentation dans la bouteille qui accompagnera le vin… jusqu’au verre !

Elle se déroule en plusieurs étapes :

  • Le tirage : après la vinification d’un vin tranquille, celui-ci est mis en bouteille avec un mélange de sucre et de levure. C’est la liqueur de tirage.
  • La prise de mousse : sous l’effet des levures, une seconde fermentation va commencer. Elle va transformer le sucre ajouté en alcool et produire du gaz carbonique, piégé dans la bouteille fermée.
  • La maturation (ou élevage sur lattes): après la prise de mousse, les bouteilles vont passer plusieurs mois à l’horizontal dans les caves, au contact des lies (les levures mortes issues de la fermentation). Elles vont lui apporter de la richesse aromatique et de la finesse.
  • Les pupitres de remuage utilisés dans la méthode champenoise. Chaque jour, le vigneron tourne les bouteilles d'un quart de tour. Cette opération est aujourd'hui largement automatisée.

    Les pupitres de remuage utilisés dans la méthode champenoise. Chaque jour, le vigneron tourne les bouteilles d’un quart de tour. Cette opération est aujourd’hui largement automatisée.

  • Le remuage : la bouteille est ensuite stockée, inclinée vers le bas, de telle sorte que le dépôt constitué par les levures mortes se dépose au niveau du goulot. Chaque jour, le vigneron tourne légèrement la bouteille pour orienter le dépôt vers le goulot (cette opération est maintenant largement automatisée).
  • Le dégorgement : pour expulser le dépôt concentré autour du bouchon, celui-ci est congelé, puis la bouteille est décapsulée. Sous l’effet de la pression, le dépôt glacé est expulsé.
  • Le dosage : pour compenser le volume perdu lors de l’expulsion du dépôt, on ajoute une liqueur de dosage plus ou moins sucrée pour faire le plein de la bouteille. En fonction de la quantité de sucre ajoutée, les vins obtenus seront appelés extra-brut, brut, extra-sec, sec, demi-sec, ou encore doux, pour les plus sucrés.

Si la bouteille est remplie du même vin issu d’une autre bouteille, on parle de vin « brut nature ».

Et comme une image vaut mieux qu’un beau discours, voila ce que ça donne en image:

La légende de Don Pérignon

La légende dit que la méthode traditionnelle fut découverte au XVIIème siècle par le moine bénédictin Don Pérignon. Suite à un essai de remplacer le bouchon en bois des bouteilles de vin par un bouchon en cire d’abeille, il aurait remarqué que les bouteilles explosaient beaucoup plus souvent, en raison de la chute dans la bouteille du sucre contenu dans la cire, qui provoquait une seconde fermentation en bouteille.

Cette légende semble n’être qu’un mythe, ou une histoire franco-française destinée à faire le marketing du Champagne. Ce serait en réalité les anglais qui auraient découvert la fermentation en bouteille. Alors qu’ils achetaient du vin tranquille en Champagne et avaient pris l’habitude de le mettre en bouteille eux-mêmes, ils se sont rendus compte qu’en ajoutant du sucre de canne en provenance de leurs colonies, ils étaient capables de déclencher cette fermentation.

Les autres méthodes de vinification

La méthode traditionnelle n’est cependant pas la seule méthode de vinification des vins mousseux. Il en existe en effet de nombreuses méthodes et variantes :

  • La méthode ancestrale, qui consiste à interrompre la fermentation alcoolique avant la mise en bouteille afin que celle si s’achève dans la bouteille et piège le gaz carbonique ainsi produit. La Clairette de Die, un vin mousseux de la vallée du Rhône est vinifié avec cette méthode ancestrale.
  • La méthode en cuve close : similaire à la méthode traditionnelle, à une différence près: la seconde fermentation n’a pas lieu en bouteille, mais dans des cuves closes, étanches, qui piègent le gaz carbonique. Cette méthode est également appelée la méthode Charmat, du nom du titulaire de son brevet. Les désormais célèbres Prosecco (Italie) et Sekt (Allemagne) sont pour la plupart vinifiés en cuve close.
  • La méthode par transfert : la fermentation a lieu en bouteille, comme dans la méthode traditionnelle, mais le vin est ensuite transféré dans une cuve où il est filtré pour enlever le dépot de levures. Cette méthode évite les étapes de remuage et de dégorgement, ce qui la rend moins chère que la méthode champenoise.
  • La méthode par gazéification : c’est la seule méthode dans laquelle le gaz carbonique n’est pas produit par la fermentation. On ajoute tout simplement du gaz carbonique exogène à l’aide d’un saturateur.
    Il existe également des méthodes locales comme la méthode continue (ou encore russe) et la méthode cap classique, variante sud africaine de la méthode traditionnelle.

Une fois cette partie théorique terminée, place à la dégustation ! Dans les deux articles suivants, nous nous intéressons aux principaux vins effervescents européens. Quels sont les secrets du Champagne ? Comment le Prosecco italien a-t-il gagné ses galons aussi rapidement ? A quoi ressemble le Cava espagnol ? Quid de la qualité du Sekt allemand ?

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