Quel retournement de situation que celui qu’a connu le cépage Carignan ! Une histoire de je t’aime moi non plus. Après avoir été arraché en masse, on se l’arrache partout dans le monde.
Quelle est l’histoire et quelles sont les qualités et les défauts de ce cépage qui défraye la chronique ?
Le carignan, un cépage d’origine aragonaise
Appelé Mazuela en Espagne, le carignan serait originaire de la ville Cariñena, dans la province de Saragosse, qui lui aurait donné son nom. Après avoir prospéré dans le vignoble d’Aragon, il a rapidement conquis le sud de la France. Il y est massivement planté dans toute la région occitane. Notamment depuis la crise phylloxérique du début du XXème siècle.
Jusque dans les années 1960, il est apprécié pour ses rendements. Ce cépage vigoureux produit facilement du vin en quantité lorsqu’il est cultivé en plaine. En revanche, lorsqu’il est cultivé à haut rendement, il produit des vins qu’on ne pourrait même pas qualifier de facile à boire.
Les vignerons du Languedoc-Roussillon, puis d’Algérie en usent et en abusent. Au point de donner à ce cépage l’image tenace de vin âpre, de mauvaise qualité, qui lui colle à la peau. Vinifié en gros volumes, il donne en effet des vins sans caractère.
La prise de conscience a lieu à la fin des années 1968 et se traduit par une vaste campagne d’arrachage massive. Son encépagement en France passer de 200 000 hectares à 30 000 hectares en 40 ans. Il est remplacé par la Syrah et le Grenache avec lesquels il s’assemble si bien. Il disparait des plaines pour gagner les coteaux.
Le renouveau et l’internationalisation du Carignan
Car pour le Carignan, le salut vient en effet des coteaux. C’est sur ces terrasses caillouteuses et pentues moins fertiles que les vignerons parviennent le mieux à maitriser son rendement. Lorsqu’il est cultivé sérieusement (moins de 60hl par ha) et bien vinifié, le taux d’alcool augmente et son acidité diminue. Il trouve alors un équilibre favorable. Sa peau épaisse lui donne une tannicité recherchée. Associées à son acidité naturelle, ces qualités font du carignan un cépage de vin de garde.
Avec plus de 50 000 hectares plantés dans le monde, le Carignan à la crédibilité retrouvée gagne des parts de marchés dans les vignobles du monde. En particuliers dans les pays aux climats de types méditerranéens.
Il est présent dans le sud-est de la France dans les appellations Côtes du Rhône, Corbières, Minervois, , en Occitanie et en Provence. En Espagne, il perd du terrain au profit du grenache. Il résiste néanmoins dans les vignobles de Priorat, Penedes, Aragon et Rioja. Outre la France et l’Espagne, on le retrouve en Algérie, au Maroc, en Grèce, à Chypre, au Portugal, mais surtout en Israël où il représente plus de 10% de l’encépagement total.
Dans le nouveau monde, il est présent dans le vignoble mexicain, et sous forme de traces en Afrique du Sud (Swartland ), en Argentine (Mendoza) et au Chili.
Un cépage propice à l’assemblage et à la macération carbonique
Bien vinifié, le carignan donne donc des vins puissants, tanniques et à l’acidité naturelle marquée. On peut lui reprocher son manque d’intensité aromatique et une certaine astringence.
Pour compenser ses défauts, l’assemblage et la macération carbonique sont les deux options habituellement retenues par les vignerons :
- l’assemblage avec des cépages aromatiques, mais manquant de structure acide. C’est le cas du cinsault, grenache, syrah et mourvèdre avec lesquels il est le plus souvent assemblés dans le Sud de la France. C’est la recette gagnante dans l’AOC Corbière qui incarne le mieux ce renouveau qualitatif du Carignan.
- la macération carbonique est une technique de vinification dans laquelle les baies non pressées commencent leur fermentation en milieu hermétique saturé en gaz carbonique. Cette technique, originaire du Beaujolais, est particulièrement adaptée au cépage Carignan. Elle permet de faire ressortir les aromes fruités et réduire la tannicité des vins produits.
Dans les climats de type méditerranéens qui lui sont si favorables, le carignan libère des aromes de fruits rouges (cerise, framboise), de fruits noirs (pruneau), et des notes de cuir, d’épices, et de garigue !
