Si vous entendez un vigneron vous parler de « carbo », il ne fait probablement pas référence aux pâtes carbonara mais à une technique de vinification qui a vu le jour dans la Beaujolais avant de gagner du terrain dans de nombreux vignobles à travers le monde ! La fermentation carbonique, encore appelée « fermentation intracellulaire » est une technique utilisée historiquement dans la vinification des vins primeurs.
Le principe est simple. Il s’agit de placer les baies entières et non foulées dans une cuve hermétique saturée en gaz carbonique. Il se déclenche alors une fermentation intracellulaire à l’intérieure des baies, sous l’action des enzymes indigènes.
Cette technique permet de faire ressortir les arômes fruités et de réduire la tannicité des vins produits. Elle est étroitement associée aux vins du Beaujolais, mais tend à gagner du terrain dans la vinification des vins primeurs et des vins naturels !
La fermentation semi-carbonique, plus populaire
Dans les faits, la fermentation carbonique ne peut se faire que sur de petites quantités de baies. Car en trop grande quantité, les baies du fond de la cuve seraient écrasées sous le poids du raisin, rendant impossible toute fermentation intracellulaire. En outre, sa réalisation est contraignante :
- La fermentation carbonique implique des vendanges manuelles pour préserver l’intégrité de la baie.
- Elle nécessite un apport en dioxyde de carbone pour éviter que la fermentation microbienne classique ne se déclenche.
- Le dioxyde de carbone est injecté sous forme de neige carbonique dans des cuves hermétiques.
- Elle dure entre 4 jours pour les vins rosés et jusqu’à une quinzaine de jours pour les vins rouges de garde.
- A l’issue de la fermentation carbonique, les baies sont pressées et soumises à une fermentation classique, sous l’effet des levures.
La technique utilisée à grande échelle est donc légèrement différente. Elle consiste à utiliser des cuves non hermétiques et à les remplir de baies non foulées. Au fond de la cuve, les baies écrasées éclatent et libèrent le moût qui fermente selon la méthode bactérienne. Cette fermentation libère du gaz carbonique qui remonte dans la partie supérieure de la cuve, où les baies sont entières et intactes. C’est chez elles que va se déclencher la fermentation carbonique.
Où se pratique la macération carbonique ?
Ce procédé de vinification a pour vertu d’intensifier la robe du vin d’un rouge vif. Il fait ressortir les arômes fruités et floraux, réduit l’acidité du vin et assouplit les tanins. Il permet également d’en minimiser les éventuels défauts du vin. En d’autres termes, les fermentations carboniques et semi-carboniques permettent de vinifier des vins souples, croquants, aromatiques et agréables à boire.
Elle est utilisée dans la vinification du Gamay dans la Beaujolais depuis le milieu du XXème siècle. Pour les vins primeurs, les fameux Beaujolais nouveaux, mais également pour les appellations villages et les crus du Beaujolais. Morgon, Moulin à Vent, … la fermentation carbonique ne se limite donc pas aux vins faciles à boire !
Elle a d’ailleurs gagné du terrain. Les vignerons l’utilisent fréquemment en Occitanie où elle a permis la réhabilitation de cépages peu expressifs comme le Carignan. On la retrouve dans la vinification du Cabernet Sauvignon dans la vallée de la Loire et chez certains vignerons de la vallée du Rhône.
A l’international, la méthode carbonique est utilisée dans la vinification de certains Zinfandel et du Valdiguié, encore appelé le « Napa Gamay » en Californie. La pratique se répand également dans différents vignobles espagnols, en particulier dans la région de la Rioja Alavesa.
Plus récemment, le mouvement des vins naturels s’est approprié la technique. Jules Chauvet, précurseur de ce mouvement et originaire du Beaujolais, a théorisé le fait que la fermentation carbonique permet de réduire l’utilisation de souffre dans le processus de vinification. Les vignerons soucieux de vinifier des vins natures ont depuis massivement recours à cette méthode au quatre coins du monde. En Australie en particulier, où l’on parle de « cab mac » (carbonic maceration) !
Soutenu par les promoteurs des vins naturels, la fermentation carbonique néanmoins décriée par certains vignerons. On lui reproche de produire des vins standardisés qui se ressemblent, et d’écraser les spécificités du terroir et du cépage.