La question du développement durable est devenue centrale dans le monde viticole. Après des décennies marquées par l’industrialisation du secteur, l’heure des comptes a-t-elle sonné ? Nos pistes de réflexion dans ce dossier.
Diversité des cépages
De la diversité des cépages
Sur plus de 6000 cépages recensés, les 24 les plus plantés représentent un tiers de la production mondiale de vin.
Ce phénomène de concentration inquiète car il nuit à la diversité des vignobles et participe à l’uniformisation des vins du monde.
De la diversité des cépages
On estime à
plus de 6000 le nombre de cépages de l'espèce Vitis Vinifera, la principale
variété de vigne cultivée à des fins vinicoles ! Une diversité génétique
exceptionnelle due à des mutations naturelles ou provoquées en laboratoire pour
créer des espèces plus résistantes ou plus qualitatives.
Or aujourd'hui, les 24 cépages les plus plantés au monde représentent un tiers de la production mondiale de vin ! Un phénomène de concentration qui s'est accentué au cours de ses dernières décennies et qui pose bien des questions.
Des cépages autochtones de moins en moins valorisés
Saviez-vous
que le Portugal compte pas moins de 250 cépages autochtones ? L'italie en
compterait 350. Et la Géorgie, berceau de la viticulture,
plus de 550 !
Ces trois
pays sont d'ailleurs ceux dont les vignobles sont restés les plus fidèles à
leurs cépages autochtones. Les autres ayant adoptés les cépages français
"ambassadeurs" devenus mondiaux : merlot, cabernet sauvignon, pinot
noir, syrah, chardonnay, riesling, ...
Néanmoins,
on observe que seuls quelques-uns des cépages autochtones restent massivement
plantés. Les autres disparaissent dans l'oubli: non seulement les cépages
français gagnent des parts de marché dans les vignobles du monde, mais même les
vignobles respectant leurs cépages autochtones ne mettent en avant qu'un nombre
très limité d'entre eux.
En Géorgie
par exemple, 50% de la production de vin vient du seul cépage local Rkatsiteli.
En Italie,
32% de la production de vin est issue de l'un de ses 11 cépages autochtones les
plus populaires, comme le montre le tableau ci-dessous. Les cépages français
ont trouvé leur place dans les vignobles italiens. Le meilleur exemple de ce
grappillage des cépages français est le succès des super toscans, ces vins vinifiés à la bordelaise
issus de l'assemblage de cabernet sauvignon, de cabernet franc et de merlot. Et
ce, au beau milieu de la toscane, berceau du sangiovese !
Cépages
italiens autochtones et locaux :
Sangiovese
53800
7,9%
Trebbiano
41000
6,0%
Montepulciano
27400
4,0%
Barbera
18400
2,7%
Negro
Amaro
17500
2,6%
Primitivo
16000
2,3%
Nero
d'Avola / Calabrese
15300
2,2%
Lambrusco
10500
1,5%
Malvasia
9000
1,3%
Nebbiolo
6000
0,9%
Vermentino
5600
0,8%
Cépages
italiens d'origine internationale :
Pinot gris
24500
3,6%
Merlot
23600
3,5%
Muscat
12500
1,8%
Syrah
6300
0,9%
Pinot noir
4700
0,7%
Sauvignon
blanc
3000
0,4%
Pinot
blanc
1800
0,3%
Riesling
1700
0,2%
Autres
56,2%
C'est finalement le Portugal qui respecte le plus ses
cépages autochtones, que l'on retrouve dans plus de 60% des vins nationaux.
Essentiellement grâce aux cépages Touriga Franca, Touriga Naciona et
Trincadeira massivement utilisés dans la vinification du Porto.
Une approche marketing qui nuit à la diversité
Cette
tendance à la concentration s'explique par la mode actuelle, qui consiste à
marketer le vin par le nom de son cépage. Les américains commandent un merlot
ou un cabernet sauvignon. Les chiliens promeuvent leur malbec et les allemands
leur riesling. Tous ces cépages d'origine française sont devenus des noms de
marques puissants et facilement identifiables par les consommateurs.
Or ce n'est
pas le cépage qui fait l'identité d'un vin, mais le quatuor indivisible :
terroir, climat, cépage, savoir-faire du vigneron.
En plantant
massivement du cabernet sauvignon, du merlot et du pinot noir pour répondre à
une demande du marché, le monde viticole délaisse de nombreux cépages
autochtones ou historiques plus adaptés à chaque terroir. Ces derniers tombent
aux oubliettes et c'est la diversité du monde viticole qui en pâtit. Cette
perte de diversité contribue à l'uniformisation du goût du vin. Or ce qui fait
du vin un produit différent, c'est que justement chaque bouteille doit être
unique. Une surprise, imprévisible.
"Le goût de quelque part, plutôt que le goût de quelque chose". C'est le moto de Gérard Bertrand, un viticulteur occitan qui s'est très tôt lancé dans le bio et la biodynamie. Il est aujourd'hui l'un des principaux promoteurs du secteur viticole bio, et un entrepreneur malin. Gérard Bertrand considère que la viticulture biologique, ce n'est pas uniquement une histoire de produits chimiques de synthèse. C'est un état d'esprit qui part du principe que la nature est plus forte que l'homme, et qu'il faut la préserver, dans toute sa diversité. La biodiversité passe par le retour aux cépages autochtones !
La liste des 24 cépages les plus plantés à des fins de vinification
Surface du
vignoble mondial
7 453 532
ha
Cépages
rouges :
Cabernet
sauvignon
341 000
4,6%
Merlot
266 000
3,6%
Tempranillo
231 000
3,1%
Syrah
190 000
2,5%
Grenache
163 000
2,2%
Pinot Noir
112 000
1,5%
Sangiovese
60 000
0,8%
Cabernet
franc
53 000
0,7%
Carignan
50 000
0,7%
Zinfandel
/
Primitivo
35 000
0,5%
Barbera
21 000
0,3%
Carmenere
19 000
0,3%
Cépages
blancs :
Airen
218 000
2,9%
Chardonnay
210 000
2,8%
Sauvignon
blanc
123 000
1,7%
Ugni blanc
111 000
1,5%
Rkatsiteli
75 000
1,0%
Riesling
64 000
0,9%
Pinot gris
54 000
0,7%
Aligoté
35 000
0,5%
Alicante
H. Bouschet / Tintorera
35 000
0,5%
Sémillon
19 000
0,3%
Pinot
blanc
15 000
0,2%
Viognier
12 000
0,2%
Les 24 cépages destinés à la vinification les plus
plantés représentent 33% de la production de vin au monde ! (source OIV.int)