En Europe, la consommation de vin s’effrite un peu plus d’années en années, poussant l’industrie à se remettre en question. Les raisons de ce déclin sont multiples : Les politiques de santé publique qui sanctionnent la consommation de tout type d’alcool, sans distinction. On notera que…
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Sofia Coppola
Le vin en canettes. Et pourquoi pas ?
En Europe, la consommation de vin s’effrite un peu plus d’années en années, poussant l'industrie à se remettre en question. Les raisons de ce déclin sont multiples :
Les politiques de santé publique qui sanctionnent la consommation de tout type d’alcool, sans distinction. On notera que les mêmes restrictions pèsent sur une bouteille de Château Margaux que sur n’importe quelle bouteille à beuverie pour ados fauchés.
L’aseptisation des usages de consommation. Il y a 50 ans en France, on servait du vin aux élèves à la cantine des écoles. Depuis, le principe de précaution est devenu un mode de vie.
L’image traditionnelle du vin chez les consommateurs, qui est de plus en plus en décalage avec leurs attentes. Du coup le grand public s’éloigne du vin, au profit d’autres boissons, moins traditionnelles, mais plus en phase avec leur style.
C’est sur cette dernière raison que je voudrais revenir, à la lumière de cette nouvelle tendance qui fait jaser dans le monde du vin : la vente de vin en canette.
Émergente au Japon, en Allemagne et aux Etats-Unis, la canette reste à la peine en France
[caption id="attachment_1970" align="alignright" width="295"] Winestar lance en France une gamme de 3 canettes de vin: rouge, blanc, rosé du Château de l'Ille (Corbières). Osé ![/caption]
Depuis quelques mois, la presse nationale française se fait l’écho de la commercialisation d’un vin de Corbières en canettes sous la marque Winestar. Ces canettes sont vendues en ligne sur le site de la marque (59€ le pack de 24, soit 2,45€ la canette), mais peuvent également se trouver dans un certain nombre de réseaux de distribution physiques. L’originalité de la démarche est que Winestar s’attaque directement au marché français, pourtant réputé conservateur. Mais le concept n’est pas nouveau.
La canette de vin existe déjà au Japon, où une société australienne a lancé sa distribution en 2011. Le produit existe également en Allemagne, où 60 millions de canettes sont distribuées chaque année, notamment par Lidl, un distributeur bon marché.
[caption id="attachment_1973" align="alignleft" width="267"] L’innovation est une spécialité de la Napa Valley. En témoigne la cuvée Sofia Coppola, packagée en canettes roses.[/caption]
Aux Etats-Unis, dont on a déjà évoqué ici la capacité d’innovation, Francis Ford Coppola a lancé une cuvée au nom de sa fille, Sofia, vendue sous forme de d’un pack de 4 canettes roses, assorties d’une paille !
En France, où les traditions ont la vie dure, une société « Otherwine » commercialise des canettes depuis plusieurs années, sans avoir encore trouvé les clefs du succès grand public de son produit.
Pourtant, la canette présente bien des avantages techniques, mais surtout marketing
Le format de la canette présente plusieurs avantages qui sont de nature à la rendre attractive dans un certain nombre de contextes.
Son format d’abord, généralement 200 ml (parfois 250 ml) permet d'éviter tout gaspillage: contrairement à la bouteille vin d’une contenance de 750 ml, le consommateur peut être sûr qu'il va terminer la canette qu'il ouvre. Une consommation plus « individuelle » peut alors être imaginée. Ces dimensions la rendent par ailleurs facile à transporter et à stocker.
Par ailleurs la canette, en aluminium, est opaque par nature : elle protège le vin de la lumière ce qui assure une meilleure conservation. Par ailleurs, sa face intérieure est couverte d’un revêtement spécial qui élimine tous les échanges entre le contenant et le vin. Le goût du vin n’est donc pas altéré par la canette. (Je parle ici du goût effectif, qui est souvent différent du goût perçu, tenant compte de la dimension psychologique.)
Les promoteurs de la canette de vin ont par ailleurs injecté une bonne dose d’innovation dans un accessoire intéressant : la paille. Celle-ci voit l’extrémité que l'on met en bouche obstruée. A la place, trois petits trous latéraux font leur apparition, qui permettent de répartir le vin dans la bouche au lieu de l’envoyer directement dans la gorge. Cette innovation originale et spécifique à la consommation de vin permet de mieux en apprécier les arômes.
Néanmoins, on peut légitimement se demander comment le consommateur d’une canette en alu va pouvoir apprécier la robe du vin qu’il tient en main, ou encore l’oxygéner et le humer comme il se doit.
C’est qu’en fait, on ne se pose pas les bonnes questions. Ces questions partent du principe que le vin doit être consommé comme il l’a toujours été, or la canette de vin est bel est bien un concept marketing en rupture. C’est-à-dire qu’il va permettre de développer de nouveaux usages, et de s’adresser à de nouveaux profils de clients.
La canette, un concept marketing innovant
[caption id="attachment_1975" align="alignright" width="300"] le train, un marché à fort potentiel pour la distribution de vin en canettes[/caption]
Il est bien évident que la canette n’a aucunement l’ambition de remplacer la bouteille traditionnelle sur la table du repas de famille du dimanche midi. En revanche, pourquoi ne pas imaginer positionner la canette de vin dans le panier du pique-nique dominical ? Et pourquoi ne pas imaginer que la canette de vin devienne le choix par défaut dans les distributeurs automatiques de boisson, ou qu’elle soit distribuée dans les trains, et les avions ? Le format de la canette est effectivement optimal pour toutes les situations de mobilité, où la stabilité, la conservabilité et la transportabilité sont la clef du succès.
Il existe également une vraie opportunité de repositionner l’image du vin en boisson festive. Demain vos convives amèneront peut-être un pack de canettes de leur vin préféré à vos soirées, plutôt que de la bière.
Sans cannibaliser la consommation de vin traditionnelle, qui a encore de longues années devant elle, ce nouveau format permet au contraire d’aller convertir de nouveaux consommateurs. Les jeunes, les femmes, les voyageurs, les festoyeurs sont autant de cibles marketing que cette innovation peut adresser avec succès.
Alors bien sûr, on ne trouvera pas de Grands Crus en canette. D’ailleurs, les vignobles français les plus réputés n’autorisent que le conditionnement du vin en bouteille de verre dans leurs critères d’attribution de l’AOC. Ça tombe bien en fait ! Car de la même façon qu’il faut adapter le format à la cible, il faudra adapter le contenu au format.
Cacolac a développé une offre intéressante de ce point de vu. La PME française propose une gamme de 3 vins en canette, mais également une gamme de 3 vins aromatisés, des « spritzers » à base de vins, d’eau gazeuse, de fruits et de sucre. L’expérimentation lancée en Angleterre en décembre 2012 devrait être riche en enseignements.
PS: le saviez-vous ? On peut écrire aussi bien "canette" ou "cannette".