Au sommet de l’une des nombreuses collines toscanes trône le village discret de Montalcino. Au cœur du val d’Orcia, il surplombe quelques milliers d’hectares de vignes dévouées au cépage Sangiovese. Encerclé d’un réseau séré de strade bianche, ces routes de graviers blancs qui font le…
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Toscanne
Brunello di Montalcino, une appellation qui monte
Au sommet de l’une des nombreuses collines toscanes trône le village discret de Montalcino. Au cœur du val d’Orcia, il surplombe quelques milliers d’hectares de vignes dévouées au cépage Sangiovese. Encerclé d’un réseau séré de strade bianche, ces routes de graviers blancs qui font le bonheur du Pogadcar et de son peloton à l’occasion de l’une des premières classiques cyclistes de la saison, le vignoble de Montalcino fait parler de lui. Longtemps resté discret parmi les célèbres appellations toscanes, il caracole désormais en tête dans tous les classements : notoriété, prix du vin, prix de l’hectare de vigne.
Quelle est l’histoire de cette appellation pleine d’avenir ? Et surtout, à quoi ressemble ce vin que tout le monde s’arrache ?
Un vignoble à l’histoire récente
Les premiers écrits élogieux sur le vignoble de Montalcino qui remontent au moyen-âge. On sait par ailleurs que des vignes y étaient déjà cultivées à l’époque romaine. Mais l’histoire contemporaine du vignoble est étonnamment récente. Dans les années 1870, la crise du phylloxéra bat son plein. Un jeune viticulteur, Ferruccio Biondi-Santi, décide de rompre avec la tradition locale. Il ne se satisfait pas des vins blancs moelleux et des vins rouges pétillants qui font vivoter son vignoble. Visionnaire, Biondi-Santi plante du Sangiovese, un cépage connu pour sa résistance au phylloxéra. Très vite, les vignerons du coin comprennent l’adéquation de ce cépage avec son terroir et anticipent son potentiel de garde.
Les crises et les guerres de la première moitié du XXème siècle ne permettent pas au vignoble de prospérer à la hauteur de son potentiel. Ce n’est qu’à partir de la fin de la seconde guerre mondiale que la trajectoire exponentielle du vignoble se dessine.
En 1966, Brunello di Montalcino décroche sa DOC (dénomination d’origine contrôlée). En 1980, il confirme avec l’officialisation de sa DOCG (dénomination d’origine contrôlée et garantie). Le graal dans l’écosystème complexe et hétérogène de la viticulture italienne.
Le vignoble passe de 60 ha et une dizaine de producteurs en 1960, à plus de 2000 ha exploités par 250 domaines aujourd’hui !
En 2008, le Brunellogate n’atteindra la réputation du Brunello que de manière temporaire. Cette année-là, une vingtaine de producteurs sont pris en flagrant délit d’utiliser des cépages interdits pas l’appellation pour renforcer leurs vins.
L’escroquerie à la contrefaçon déjouée de justesse par la police italienne en 2014 non plus. Cette tentative d’écouler 220 000 bouteilles frauduleuses de l’appellation consacre au contraire sa notoriété internationale.
Une appellation 100% Sangiovese et pourtant si diverse
Lors de l’obtention de la DOGC en 1980, le cahier des charges qui régit l’appellation Brunello di Montalcino s’avère strict :
Les vins de l’appellation doivent être vinifiés à 100% à partir du cépage Sangiovese, qui localement porte le nom de Brunello. Si le Sangiovese est le cépage le plus planté d’Italie, et de loin le plus renommé de Toscane, l’appellation Brunello di Montalcino est la seule à imposer son exclusivité. Un peu plus loin, il est assemblé au Merlot ou au Cabernet Sauvignon pour produire les fameux Super Toscans. Il peut également être assemblé aux cépages locaux Canaiolo et Colorino pour produire les vins du Chianti.
Si cette culture du monocépage n’affecte pas la grande diversité des profils gustatifs des vins de Montalcino, c’est grâce à la variabilité des terroirs dont bénéficie l’appellation.
L’altitude de la colline de Montalcino varie entre 250m et 600m. Cette topologie vient moduler le climat méditerranéen chaud et sec dont bénéficie l’appellation. Elle offre une diversité climatique non seulement liée à l’altitude mais également à l’exposition. Ainsi les versants sud bénéficient davantage de chaleur qui facilite la maturation du Sangiovese. Les vignes exposées à l’ouest sont soumises à un climat plus humide grâce à la proximité de la mer Tyrrhénienne. Les vignes les plus hautes sont soumises à des variations de températures entre le jour et la nuit favorables à la conservation de l’acidité des vins et donc à leur capacité de garde.
La structure des sols, elle aussi hétérogène, vient ajouter de la diversité. Le vignoble de Montalcino est dominé par des sols marneux, c’est-à-dire un sol léger argilo-calcaire similaire à celui de nombreux vignobles français. En bas de la colline, on trouve davantage de sols sableux, similaires à ceux de la région de Bartolo et de Barbaresco.
Cerise sur le gâteau, le mont Amiata, ancien volcan qui culmine à plus de 1700m au sud-est de l’appellation protège le vignoble. Il présente un rempart contre les intempéries, la grêle en particulier, qui pourraient endommager les baies. On retrouve d’ailleurs ici ou là des traces de sols volcaniques dans l’appellation, qui rajoute à sa diversité géologique.
Enfin, la DOGC impose des règles strictes de travail de la vigne, limitant les rendements à 80 quintal par hectare. La vinification est également réglementée. Les vins de l’appellation doivent être élevés 2 ans en barrique et 3 ans en bouteille avant de pouvoir être commercialisés. Cette dernière contrainte passe à 4 ans d’élevage en bouteille pour les Brunello di Montalcino « Riserva ».
Les vignerons de Montalcino peuvent d’ailleurs également produire un vin plus accessible : le Rosso di Montalcino, dont la réglementation est plus souple. Ces vins dont l’élevage dure une année seulement sont plus vifs et faciles à boire. Ils permettent également de proposer un vin d’entrée de gamme plus abordable pour les consommateurs.
Des vins puissants portés par l'acidité du Sangiovese
Le Sangiovese est un cépage à maturation tardive qui a besoin de temps et de chaleur pour arriver à maturation. Il se distingue par son acidité qui, à Montapulciano, équilibre des vins à forte teneur en alcool. Biondi-Santi a eu du nez en plantant, le premier, du Sangiovese sur la colline du val d'Orcia. En résulte un vin puissant, équilibré, élégant à la grande capacité de garde.
Sa robe est d’un rouge intense, rubis, qui tend sur le grenat avec le temps.
Au nez, les vins de Brunello del Montalcino sont particulièrement expressifs. Une belle intensité sur des notes de fruits rouges qui peuvent être bien mûrs, voire confis.
En bouche, on retrouve la caractéristique principale du Sangiovese : une belle acidité. A Montalcino, cette acidité équilibre un vin puissant, ample, à la structure tanique élégante. Elle apporte une fraîcheur rassurante à des vins qui auraient pu être lourds. L’élevage en bouteille arrondit ces tanins et leur donne une texture veloutée. Des arômes de cerises et des notes balsamiques, terreuses, épicées. Une belle longueur en bouche, comme on pouvait s'y attendre.
Un vignoble propice à l’oenotourisme
Le val d'Orcia coche toutes les cases de la destination oenotouristique idéale !
Les paysages toscans, ses collines, ses strade bianche, ses champs de blés et ses reliefs plantés de vignes sont le premier atout de la région. Montalcino n'est situé qu'à une quarantaine de kilomètres de Sienne, ville historique et touristique concurrente de Florence.
La région bénéficie d'ailleurs des infrastructures de transport de la capitale de la Toscane. Nombreuses sont les infrastructures touristiques qui se sont agrégées autour de ce centre névralgique. Restaurants, gîtes, agroturismo, locations de vélo... tout est conçu pour accueillir les touristes, amateurs de vin ou non, dans un flux modéré et un cadre qui conserve son cachet historique.
La gastronomie locale constitue le troisième pilier de l'attractivité oenotouristique de la région. En Italie, difficile de se louper. On peut y vivre heureux avec une bouteille d'huile d'olive, quelques boules de mozzarella, une ou deux tomates, un morceau de lard local et une bouteille de vin. Alors quand les troquets du coin y ajoutent leurs pâtes locales et quelques fruits de la mer qui finalement n'est pas si loin, on ne veut plus rentrer !
Enfin, la culture de la fattoria, qui vous accueille pour une expérience globale, devrait inspirer nos vignerons français. Vin, nature, gastronomie, loisirs, les toscans ont développé cette culture de l'accueil qui vous fait vous sentir bien !
[caption id="attachment_9587" align="aligncenter" width="680"] Dégustation des vins de la Fattoria dei Barbi, l'un des domaines emblématiques de Montalcino[/caption]