Le viognier est un cépage blanc à l’histoire singulière, quand on sait que malgré ses qualités aromatiques extraordinaires, il a bien failli disparaitre ! A la fin des années 1960, il ne restait plus que 14 hectares de viognier plantés dans le monde. Autant dire pinuts. Ce n’est pas un hasard si ces quelques hectares sont situés dans les deux appellations Condrieu et Château-Grillet. Ce sont les fiefs du viognier, à partir desquels il a reconquis le monde en quelques décennies.
S’il a frôlé la disparition, c’est que le viognier est un cépage compliqué à cultiver:
- Il est particulièrement sensible aux maladies (l’oïdium, à la pourriture noble, aux insectes).
- Ses rendements sont faibles
- Son acidité naturelle est faible
Pour pouvoir en faire un grand vin, il exige toute l’attention du vigneron et des conditions bien spécifiques. Jusque dans les années 1960, les techniques viticoles ne permettaient pas de le vinifier de manière efficace. Mais depuis, la mécanisation de la viticulture permet de surmonter ces difficultés. C’est ce qui a remis le viognier sur le devant de la scène. Place qu’il mérite amplement, pour peu qu’il soit cultivé dans un terroir qui lui soit adapté.
Pour compenser sa maturation tardive et sa faible acidité naturelle, le viognier a d’abord besoin d’un climat ensoleillé et d’un sol acide, comme le granit.
Des origines alpines, un berceau rhodanien
Son origine alpine est avérée. Des études ampélographiques sur son ADN menées par des chercheurs de l’université de Californie ont montré que le viognier est un descendant du Freisa, un cépage du Piémont italien. Il est également prouvé que le viognier partage des liens de parentés avec le Nebbiolo, cépage rouge phare du Piémont.
De fait, c’est dans la région de Vienne, au sud de Lyon, qu’il a trouvé son terroir de prédilection, dès l’époque gallo-romaine. Les AOC Condrieu et Château-Grillet (une appellation qui ne compte qu’un seul domaine de 3,5 ha, propriété de François Pinault) sont ses meilleurs ambassadeurs. Elles sont les seules en France qui le vinifie en mono-cépage, tant leur terroir lui permet d’exprimer ses qualités organoleptiques.
De là, le viognier a gagné des territoires. D’abord la Côte-Rôtie voisine, où il est assemblé avec de la syrah pour produire de grands vins rouges ! On notera cette originalité d’un cépage blanc co-fermenté avec un cépage rouge pour vinifier de grands vins rouges. Puis il a gagné le midi de la France. L’AOC Côteaux-du-Languedoc autorise son assemblage à hauteur de 10%. Il est enfin vinifié en vin de pays dans le sud du Rhône et en Occitanie.
Une fois sa renaissance consolidée en France et dans le Piémont italien, le viognier met un pied en Espagne. Il fait office d’expérimentations dans le prestigieux vignoble de la Rioja.
Mais c’est dans le nouveau monde qu’il fait la fortune de vignerons bien patients.
Le viognier s’installe dans le nouveau monde
En quelques décennies seulement, les vignerons du nouveau monde travaillant sur des terroirs adaptés ont adopté le viognier comme un cépage de niche prestigieux :
- En Australie d’abord, dès les années 1970, dans la Eden valley,
- En Californie, où une nouvelle vague de vignerons d’origine italienne ont remis le viognier au gout du jour. D’autres s’essaient à l’assembler avec divers cépages à la recherche du style rhodanien.
- En Afrique du Sud, où Charles Back , du domaine Fairview, fut le premier à l’introduire, en 1989, dans le vignoble de Paarl
- En Nouvelle-Zélande enfin. Il n’y incarne pas une concurrence au sauvignon blanc, cépage roi des deux iles. Mais il y propose une alternative originale.
Un cépage parfumé, pour des accords mets-vins onctueux
Le viognier est identifiable parmi tant d’autres par sa texture grasse, voire onctueuse. Et ses arômes de fruits à noyaux (abricots, pèche), de miel d’acacia, de musc et ses notes florales, de violette et de chèvrefeuille en particulier. Des aromes secondaires et tertiaires fins exprimeront les caractéristiques des terroirs et des vignerons qui l’auront travaillé !
La texture onctueuse et la densité aromatique du viognier limite ses accords mets-vins adaptés. Appréciez-le avec des asperges au printemps ou encore des poissons (quenelles de brochet, écrevisses) ou encore des fromages frais. Ou tout simplement à l’apéritif !