De toute les régions viticoles qu’il m’ait été donné de visiter, la Bourgogne est certainement la plus accueillante. Les vignerons bourguignons vous reçoivent avec une chaleur qu’on ne trouve pas ailleurs. C’est avec une passion communicative qu’ils nous parlent de leurs vignes, de leur travail…
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Forme de la bouteille
La Bourgogne racontée en 7 différences
De toute les régions viticoles qu'il m'ait été donné de visiter, la Bourgogne est certainement la plus accueillante. Les vignerons bourguignons vous reçoivent avec une chaleur qu'on ne trouve pas ailleurs. C'est avec une passion communicative qu'ils nous parlent de leurs vignes, de leur travail et de leurs vins.
Le vignoble bordelais quant à lui brille par sa notoriété et son histoire. Les deux régions sont souvent comparées par les supporteurs de l’une et les défenseurs de l’autre. La tentation est forte de se risquer au petit jeu des 7 différences entre les deux vignobles:
1 - Les vins de Bourgogne sont mono cépages:
Contrairement aux vins de Bordeaux, seules des cuvées issues d'un même cépage sont assemblées:
- Le Pinot Noir pour les rouges de la partie nord de la région (Côte de Nuit, Côte de Beaune, Côte Chalonnaise), et Le Gamay pour les rouges du Mâconnais et du Beaujolais
- Le Chardonnay pour les vins blanc. On trouve également de l'Aligoté pour certains blancs d'appellation générique
Le Bordelais de son côté est connu pour ses assemblages multi cépages, qui font sa richesse et sa complexité:
- Le Merlot, Cabernet Sauvignon, Cabernet France, mais aussi en plus petite quantité Petit Verdot et Malbec pour les rouges
- Sémillon et Sauvignon pour les vins blancs
Si les vins de Bourgogne se reconnaissent à leur finesse, et à l’élégance de leurs cépages rois, les vins de Bordeaux triomphent par leur puissance issue d’un assemblage savant.
2 - La forme de la bouteille:
[caption id="attachment_396" align="alignright" width="294"] Les formes des bouteilles en disent long sur les vins qu'elles contiennent[/caption]
Les bouteilles du sud-ouest sont coudées alors que celles de Bourgogne adoptent une forme beaucoup plus aérodynamique. L’explication est intéressante : la ville de Bordeaux a prospéré dès le XVIIème siècle grâce au commerce maritime avec le monde colonial de l’époque. La bouteille coudée est taillée sur mesure pour pouvoir être rangée dans les cales des bateaux et donc être exportée. Le coude de la bouteille est également intéressant car il permet de ne pas faire couler la lie du vin (ce dépôt qui reste au fond de la bouteille, issu des levures mortes lors de la fermentation) lorsqu’on le sert.
De son côté, la silhouette de la bouteille bourguignonne est plus souple, élégante, féminine…. comme son contenu, qui se concentre sur le fruit, alors que les vins de Bordeaux sont plus robustes, charpentés.
[caption id="attachment_1910" align="alignleft" width="300"] Les vins sont élevés dans des fûts pendant plusieurs mois - on les appelle "les pièces" en Bourgogne[/caption]
D’ailleurs, la différence des contenants ne s’arrête pas à la bouteille. Les barriques bourguignonnes n'ont pas le même volume que les barriques bordelaises. Elles ne s'appellent d'ailleurs pas "barriques", mais "pièces" et font 228 litres (soit 300 bouteilles), alors que la barrique bordelaise fait 225 litres. Cette différence tient à des traditions historiques, et au manque de standardisation de l’époque.
Pour l’anecdote, les bordelais, qui ont souvent dans l’histoire eu à se révolter contre la tutelle parisienne (rappelez-vous des Girondins dans les cours d’histoire de la Révolution) sont à l’origine du terme « barricade » qui vient du nom de leur fût : la barrique.
3 - Les Clos et les Châteaux:
[caption id="attachment_399" align="alignright" width="300"] Vue du Clos Vougeot en Cote de Nuits[/caption]
Pour la petite histoire, si on parle de "Châteaux" bordelais (Château Lafite Rotschild par exemple), ce terme n'est pas utilisé en Bourgogne. On y parle plutôt de "Clos". L’histoire remonte au Moyen-Age, lorsque les moines chargés de cultiver les vignes, propriétés de l'Évêché, identifient empiriquement que certaines parcelles, bien que mitoyennes, donnent des vins aux propriétés bien différentes. Au fur et à mesure de leurs découvertes, les moines entourent les rangs qui donnent les meilleurs vins par des petits murets en pierre.
Ces zones ainsi délimitées deviennent les Clos, dont le plus connu d'entre eux, le Clos Vougeot est aujourd'hui toujours bien visible.
4 - La classification des vins:
En Bourgogne, les vins sont classés en quatre catégories, en fonction de la localisation des parcelles, du respect du cahier des charges de l’INAO - qui impose des contraintes en termes d’encépagement, de rendement, de vinification… - et de la qualité des vins produits:
- les Appellations Régionales, qui sont les moins prestigieuses, sont reconnaissables à l’étiquette car elles affichent le nom de la région « Bourgogne » ou encore « Crémant de Bourgogne», souvent accompagné du nom du cépage.
- les Appellations Communales, aussi appelées « Appellation Village » sont au nombre de 41. Elles sont autorisées à afficher sur l’étiquette le nom du village dans lequel se situe la parcelle. C’est d’ailleurs bien souvent les noms de deux villages mitoyens qui sont utilisés : « Gevrey-Chambertin », « Morey-Saint Denis », « Chambolle-Musigny ». Ces vins sont souvent issus de parcelles situées en bas de coteau.
- les Premiers Crus sont les vins issus des parcelles les mieux situées : à flanc de coteau, leur exposition est idéale. Ces vins affichent sur la bouteille le nom du terroir (appelé « climat » en Bourgogne), suivi du terme « premier cru ». Ils représentent 10% des volumes de la région.
- les Grand Crus ne représentent que 1.5% de la production bourguignonne et ne se trouvent qu’en Côte de Nuit et Côte de Beaune. Ils sont issus de parcelles particulièrement privilégiées et portent des noms mythiques : « Clos-Vougeot Grand Cru », « Corton Charlemagne », « Romanée-Conti ». Le nom de la parcelle apparaît obligatoirement sur l’étiquette.
Le classement des vins bordelais est très différent et remonte beaucoup plus loin dans le temps.
- En 1855, Napoléon III fait classer les vins de bordeaux en préparation de l’exposition universelle de la même année à Paris. Le classement se fait en cinq crus allant du premier au cinquième cru. Ne sont retenus que des vins du Médoc en premier cru (+ le château Haut-Brion, qui est un Pessac Léognan)
- Les crus du Médoc ne figurant pas dans ce premier classement créent nouveau classement des crus bourgeois en 1932 : cru bourgeois exceptionnel, cru bourgeois supérieur, cru bourgeois
- Du côté de Saint-Emilion, dont aucun cru ne figure dans le classement de 1855, un classement est créé en 1954 et fait apparaître les Premiers grand crus classés A, les premiers grands crus classé B et les Grands crus classés
Ces classements n’ont quasiment jamais été modifiés depuis leur création.
C’est d’ailleurs une différence essentielle entre la Bourgogne et le Bordelais : Si les Grands Crus de Bourgogne sont contrôlés chaque année à l’aveugle par un panel de professionnels et risquent le déclassement en Premier Cru si la qualité n’est pas au rendez-vous, il faut savoir que toute tentative de modification des classements bordelais s’est soldée par des procès sans fin, dont certains durent encore, tant les enjeux financiers sont énormes.
Le classement de 1855, qui d’ailleurs se basait sur les prix de production des vins classés, n’a pas bougé d’un iota en 150 ans.
5 – Le style:
Je ne parle pas ici du style des vins, mais du style des vignerons… même si on peut penser que le deuxième se ressent dans le premier.
Les exploitations bordelaises sont devenues de véritables entreprises industrielles, suréquipées, dotées de forces de frappe commerciales et de stratégies marketing bien rodées. Bien sûr la grande majorité des exploitations restent familiales et sont conduites par la passion du vigneron. Mais les plus grands crus sont tombés aux mains de groupes de luxe qui les considèrent comme des investissements ou des opportunités de se construire une image de marque.
Robert Parker, en grand chef d’orchestre, distribue les points qui vont fixer le cours des vins avant même leur vinification terminée. Et c’est là le danger. La tendance est à l’uniformisation des vins, pour tendre vers cet idéal que Parker, tout autant talentueux qu’il soit, définit en maître absolu, car il est le seul critique véritablement écouté des deux côtés de l’Atlantique et de l’équateur.
Ce même Robert Parker est persona non grata à Dijon. Car le vigneron bourguignon est resté un paysan (au sens noble) et n’aime pas qu’un non-bourguignon vienne lui apprendre comment faire son vin. Il vous reçoit à l’heure, les mains sales et repart finir sa taille à la fin de sa corvée commerciale. Là où le vigneron bordelais vit sur le statut de sa marque et sa notoriété historique, le vigneron bourguignon innove dans sa vigne et dans son chai. La passion qu’il transmet quand il parle de ses vins laisse à penser qu’il est en recherche constante de solutions pour extraire de son « climat » le meilleur pour sa vigne, et de son jus le meilleur pour que son vin soit à l’image de son terroir : riche, élégant, unique.
6 – Le vin:
Attention, je n’ai pas dit que le vin était moins bon à Bordeaux qu’en Bourgogne. Loin de là ! Et je trouve même déplacée l’idée de les comparer, tant ils sont de toute façon différents, complémentaires.
Ils diffèrent par leur couleur : rouge bordeaux pour les uns, rubis pour les autres, leurs arômes : sur le fruit rouge, le Bourgogne joue la carte de la finesse, l’élégance pointue quand le bordeaux se caractérise par des vins tanniques, tout en largeur, en puissance et en complexité.
Quelque soient les goûts des uns et des autres, tout le monde doit s’accorder pour dire que les deux vignobles sont des monuments du patrimoine viticole français.
Il existe évidemment beaucoup plus de différences entre ces deux vignobles. A vous de nous les faire partager en commentaires ! Les clichés sont jetés, le débat est ouvert !