l’AOC Terrasses du Larzac, une appellation qui a le vent en poupe

Le Larzac dans notre inconscient collectif évoque le causse, les brebis, José Bové, et depuis peu, le viaduc de Millau ! Mais savez-vous qu’entre le plateau qui culmine à 800 mètres d’altitude et la mer, s’accrochent quelques 2000 hectares de vigne sur son flanc sud ? Ce morceau de terroir est un vignoble français qui monte. En témoigne l’AOC « les Terrasses du Larzac », reconnue en 2014, qui récompense les efforts des 80 vignerons qui travaillent tous les jours à la valorisation de l’appellation.

Les Terrasses du Larzac, une appellation qui sort le Languedoc de sa léthargie

Le Languedoc est un des plus anciens vignobles de France. C’est donc celui qui a eu le plus de temps pour construire son image de marque. Et pourtant il n’en est rien.

Pendant longtemps, le Languedoc s’est montré incapable de valoriser ses atouts pourtant incontestables. Des terroirs riches, des côteaux exposés, un climat favorable à la vigne… La percée du canal du midi au XVIIème siècle ouvre pourtant des débouchés commerciaux. Plus le développement du chemin de fer au XIXème qui lui donne accès au marché parisien. Rien n’y fait, le vignoble du Languedoc pâtit d’une mauvaise image de marque liée à ses excès passés. La tentation fut trop forte de tirer avantage de ses atouts pour produire en masse des vins faciles à boire mais peu différenciants.

Ce n’est que dans les années 1980 que le vignoble reprend conscience de la valeur de ses terroirs. Une poignée de vignerons prennent l’initiative de replanter les cépages méridionaux qui ont fait la grandeur du Languedoc, et de les travailler pour faire ressortir les spécificités de leurs terroirs dans les vins. Maîtrise des rendements, travail du sol, viticulture biologique… Quelques années plus tard, la reconnaissance officielle voit le jour avec l’apparition des premières Appellations d’Origine Contrôlée.

L’AOC Côteaux-du-Languedoc voit le jour en 1985, remplacée en 2007 par l’AOC Languedoc. La dernière en date, obtenue en 2014 consacre les terrasses du Larzac, récompensant ainsi le travail d’une poignée de vignerons téméraires.

Une histoire d’hommes… et de femmes

Dans les années 1990, l’AOC Languedoc peine à construire son image de marque. Force est de constater qu’elle manque d’homogénéité dans la qualité et les caractéristiques des vins produits localement. Le meilleur des vins de terroir côtoie une masse de vin « faciles à boire ». Une poignée de vignerons décide de travailler à la création d’une AOC Les Terrasses du Larzac et fonde un syndicat en 1997.

Olivier Jullien, le père spirituel des Terrasses

Parmi eux, Olivier Jullien est l’un des plus actifs dans le virage qualitatif pris par le vignoble du Languedoc. Il crée le Mas Jullien à Jonquières en 1985 et, plus qu’aucun autre vigneron du Languedoc, fait figure de leader tant son travail, dans la vigne et dans le chai, force le respect de ses paires. Il forme et emmène avec lui une nouvelle génération de vignerons qui sont aujourd’hui les forces vives de l’appellation : Jean-Baptiste Garnier du domaine les vignes oubliées, Isabelle et Vincent Goumard du domaine Cal Demoura. Ils incarnent une certaine vision du métier de vigneron, qui se voient comme des messagers du terroir. « En tant que vigneron, je n’ai pas d’autre ambition que de prendre le meilleur de mon terroir et l’amener dans mes vins », Jean-Baptiste Garnier, les vignes oubliées.

Rigoureux, exigeants, à l’écoute de leurs sols, de leurs vignes et de leur raisin, ils maîtrisent à merveille leur terroir, les cépages locaux et les techniques de leur assemblage.

Aimé Guibert, le pionnier

De l’autre côté de l’appellation, deux autres hommes ont oeuvré pour la reconnaissance du terroir exceptionnel des Terrasses. Aimé Guibert qui, dès les années 1970, repère presque par hasard que dans le causse d’Aniane, toutes les conditions sont réunies pour produire de grands vins. Inspiré par les grands vins bordelais, il surprend tout le monde en plantant du cabernet sauvignon sur les meilleurs côteaux et crée le Mas Daumas. En 1978, la première cuvée fait un carton, qui sera suivie de nombreuses autres. Il se dit depuis qu’Aimé Guibert produit le vin de table le plus cher du monde.

C’est que paradoxalement, en faisant le choix de vinifier du cabernet sauvignon, le Mas Daumas s’inscrit volontairement hors de toute appellation. Le cabernet sauvignon n’est en effet en aucun cas un cépage historique du Languedoc. La personnalité qui, la première, a repéré le potentiel de la région a donc fait le choix ostensible de se mettre en retrait des appellations !

Il en est de même à deux kilomètres de là pour Laurent Vaillé. Son domaine, la Grange des Pères, produit des vins exceptionnels en IGP Pays de l’Hérault, qui s’échangent autour de… 200€ la bouteille ! Ce sont des perles de maturité, d’assemblage et d’élevage mettant en valeur mieux que personne les cépages méridionaux : syrah, mourvèdre, counoise… et le cabernet sauvignon. Ce dernier le disqualifie de fait des AOC Languedoc et Terrasses du Larzac.

Avant de disparaître prématurémment, Laurent Vaillé aura également formé la nouvelle génération, dont Pascale Rivière de la Jasse Castel est la digne représentante. C’est que dans le Larzac, la viticulture est aussi une histoire de femmes ! Il en est une autre qu’il faut citer, qui s’est lancée dans la viticulture dans les Terrasses et nous raconte cette aventure de quatre ans dans un ouvrage : « Vigneronne ». C’est Laure Gasparotto, écrivaine et journaliste Vins au Monde, créatrice du domaine de la Gentillère.

La recherche des vins de terroirs

Lorsque vous demandez à un vigneron des Terrasses ce qui différencie leur vin du reste du Languedoc, tous vous répondrons que l’appellation bénéficie à la fois de « la générosité du Languedoc et de la fraîcheur venue du plateau du Larzac ». Les mecs de l’appellation ont fait un bon boulot. Leurs éléments de langage font mouche :). De fait, ils ont raison, les Terrasses du Larzac bénéficient de conditions diversifiées, mais exceptionnelles.

Le mont Saint-Baudille veille avec bienveillance sur les terrasses

L’appellation s’étend « en V », à 40 km au nord-ouest de Montpellier. Sur les contreforts du plateau du Larzac, elle s’élève entre 50m et 400m d’altitude. Le climat y est donc méditerranéen, mais la zone bénéficie de flux d’air frais venant des hauteurs du plateau. Situées en retrait du littoral, et soumises à ces courants d’air frais, les Terrasses bénéficient d’une amplitude thermique jour/nuit plus importante que dans le reste du Languedoc. Il n’en faut pas beaucoup plus pour permettre aux baies d’atteindre leur maturité tout en conservant une belle acidité. Ce qui explique leur capacité à produire des vins de garde !

@terrasses-du-larzac.com

Une diversité des sols favorable à la complexité aromatique des vins

Autre originalité des Terrasses, deux types de sol pavent les 2000 ha couverts par l’appellation :

  • des schistes et des grés qui ont pour caractéristiques d’absorber la chaleur le jour pour la restituer la nuit. Amplifiant ainsi le phénomène des amplitudes thermiques déjà marquées dans la région.
  • des éboulis calcaires détachés du plateau, qui prennent la forme de cailloutis ou de galets. Ils permettent un drainage parfait de l’eau. Les racines de la vigne vont chercher d’autant plus profondément les éléments dont elle a besoin pour se nourrir.
  • Cette diversité des sols permet de vinifier des cuvées issues de terroirs différents avant de les assembler. Le résultat gagne en complexité et en élégance.

 

  • @cellierdesprinces.fr

Les cépages méridionaux, cépages révélateurs du terroir

Le cahier des charges de l’appellation cherche à valoriser les cépages locaux qui savent le mieux exprimer le terroir. Il impose dans ce but des règles strictes. Accrochez-vous !

  • L’AOC Terrasses du Larzac ne reconnaît que les vins rouges.
  • Les vins de l’appellation doivent être un assemblage d’au moins 3 cépages, dont deux doivent être des cépages méridionaux: le grenache, le carignan, le cinsault, la syrah ou le mourvèdre.
  • La proportion totale des cépages grenache, mourvèdre, syrah doit être supérieure à 60%.
  • Mais chacun de ces trois cépages ne peut pas être représenté à plus de 75%.
  • La proportion des cépages mourvèdre et syrah ne peut être inférieure à 20%, comptés ensemble ou séparément
  • Si l’assemblage contient du carignan, le grenache doit figurer au moins à hauteur de 20%
  • Le cinsault ne peut être représenté à plus de 30% de l’assemblage

Ces règles peuvent paraître obscures et complexes., Elles visent en réalité à veiller à ce que l’appellation produise des vins homogènes et représentatifs du terroir.

Notez que ces proportions sont difficiles à mesurer, tant l’histoire des parcelles a conduit à mélanger les cépages les uns à côté des autres. Aujourd’hui, les vignerons cherchent davantage à les séparer pour pouvoir les vinifier séparément avant de les assembler.

Pour éviter que les abus du passé ne se reproduisent, l’appellation limite les rendements à 45hl/hectare. Dans les faits, nombreux sont les vignerons qui ne dépassent pas les 25hl/ha ! Pour donner du temps au temps, les vins de l’AOC doivent enfin être élevés un an avant d’être mis sur le marché.

L’agriculture biologique, un marqueur des Terrasses

D’après le dossier de presse de l’appellation, seuls 668 hectares des 2000 hectares qu’elle couvre sont plantés (avis aux amateurs ! ;)). 80% de cette surface est cultivée en bio ! Tous les vignerons vous le diront, la viticulture biologique permet de faire ressortir dans le vin le terroir qui leur est si cher. Il est fort à parier que les vignerons non certifiés bio revendiquent leur opposition à la notion même de certification, mais qu’ils en respectent les préceptes !

L’appellation Terrasses du Larzac connaît une dynamique remarquable. La notoriété est au rendez-vous, les vins sont recherchés, les consommateurs apprécient. Surfant sur cette dynamique favorable, faut-il se préparer à la création prochaine « d’appellations Villages » plus locales pour valoriser les terroirs les plus emblématiques ?  Le lieu-dit les Combariolles ou encore la commune de Montpeyroux s’y préparent.

Dans le verre, le terroir du Languedoc et la fraîcheur du Larzac

Dans le verre, ces vins de terroirs présentent une robe intense et profonde aux reflets grenat.

En bouche, ce sont des vins de soleil sans lourdeur. Ils développent une belle complexité aromatique, enrobée dans des tanins soyeux. Les fruits rouges et noirs comme la mûre dominent. On perçoit souvent des arômes de configtures de fraise amenés par le grenache. Les notes de guarrigue et d’épices prennent ensuite le relais. La fraîcheur qui caractérise le terroir des Terrasses du Larzac se retrouve en bouche, dans une finale longue et élégante.

Les vins du Larzac accompagneront parfaitement des plats d’hiver : viandes rouges ou gibiers, en sauce ou grillés. N’hésitez pas non plus à vous en servir un verre pour magnifier un dessert chocolaté !

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