La viticulture bio revendique une production durable de produits sains. On retrouve pourtant dans les vins bios des traces produits polluant comme le cuivre, ou présentant un risque pour la santé comme les sulfites. Comment expliquer ce paradoxe ?
Les cahiers des charges de l'agriculture biologique interdisent l'utilisation de produits chimiques dits "de synthèse". Dans le cas de la production de vin, les désherbants chimiques sont ainsi interdits. Mais les produits chimiques "naturels", c'est à dire ceux qui existent comme tels à l'état naturel, sont autorisés. C'est le cas du sulfate de cuivre et des sulfites. Ce sont en effet des minerais (pour le cuivre) ou des dérivés naturels de minerais (pour les sulfites), qui sont à ce titre autorisés par les normes bio.
Le sulfate de cuivre, nécessaire à la protection de la vigne contre le mildiou
Le mildiou est une maladie de la plante causée par un champignon. Il s’attaque durement à la vigne mais également aux plants de tomates et de pommes de terre. Le mildiou se manifeste par des tâches sur le feuillage et apprécie particulièrement l’humidité pour se propager.
[caption id="attachment_892" align="alignright" width="240"] Le sulfate de cuivre utilisé dans la bouillie bordelaise[/caption]
La bouillie bordelaise est le seul traitement préventif anti-mildiou autorisé en viticulture bio. Ce mélange d’eau, de sulfate de cuivre et de chaux se présente sous la forme d’une bouillie bleue à pulvériser sur les feuilles des vignes à intervalles réguliers entre le printemps et l’automne.
Son principal inconvénient est qu’il ne résiste pas à la pluie. Lessivée à la moindre averse, la bouillie bordelaise doit être pulvérisée après chaque pluie. En agriculture conventionnelle ou raisonnée, les viticulteurs peuvent utiliser des pesticides pour lutter contre le mildiou. Plus polluants pour les sols, ces pesticides présentent néanmoins l’avantage de résister à la pluie.
On comprend alors le dilemme : au cours d’une année à pluviométrie normale, un vigneron non-bio va passer dans ses vignes 8 fois pour les traiter à base de pesticides, là où le vigneron bio va passer une douzaine de fois pour traiter à base de bouillie bordelaise. De ce point de vue, le bilan carbone et la protection de la nappe phréatique ne sont pas forcément gagnants en viticulture biologique !
Les sulfites, nécessaires à la conservation du vin
Les sulfites sont des dérivés du souffre qui jouent un rôle majeur dans l’élaboration et la conservation du vin. Ils se retrouvent dans le vin par un effet naturel d'une part: les levures produisent des sulfites au cours du processus de fermentation alcoolique. Mais également par ajout manuel du vigneron à différentes étapes de la vinification pour jouer un rôle de conservateur et d’antioxydant.
Les sulfites sont d’abord utilisés pour stopper la fermentation du vin. Le rôle des sulfites, qu’ils soient produits naturellement ou ajoutés manuellement par le vigneron, est d’éliminer les levures et bactéries qui catalysent la fermentation. Le vigneron va ainsi pouvoir stabiliser son vin et éviter toute éventuelle reprise de la fermentation.
Les sulfites vont ensuite être utilisés tout au long de la vinification en tant qu’antioxydant pour protéger le vin contre le processus normal d’oxydation au contact de l’air. En effet, laissé ainsi au contact de l’air sans protection, le vin se transformerait rapidement en vinaigre en quelques semaines. Pour le vigneron, il n’existe que deux solutions : priver le moût et le vin de contact avec l’air, ce qui présente concrètement beaucoup de contraintes, ou ajouter des sulfites pour protéger son vin.
Dans les faits, on constate que les vignerons travaillent sur les deux tableaux : la minimisation des contacts entre le vin et l’air va leur permettre de minimiser l’ajout de sulfites.
[caption id="attachment_891" align="alignright" width="210"] L'affichage de la mention "contient des sulfites" est obligatoire au-delà du seuil de 10 mg/L[/caption]
Les "vins naturels", des essais de vins sans sulfites
On observe qu’un petit nombre de vignerons s’attachent à n’ajouter aucun sulfite dans leur vin, en prenant le risque que leurs vins vieillissent mal. C'est ce qu'on appelle les vins naturels. Si cette approche peut s’avérer une réussite dans le cas des vins rouges, dans lesquels les tanins contenus dans la peau et la rafle du raisin jouent le rôle d’antioxydants naturels, elle n’est aujourd’hui pas adaptée aux vins blancs qui ne contiennent pas de tanins. Pour les vins blancs liquoreux en particulier, l’ajout de sulfite est obligatoire pour stopper la fermentation avant la consommation de tout le sucre résiduel.
L'absence de sulfite n'est pas une obligation pour les vins bios. La seule différence des vins respectant le cahier des charges de l’agriculture biologique est que les limites autorisées de souffre résiduel dans le vin sont plus contraignantes que la limite légale (voir encart ci-dessous).
Si on sait aujourd’hui que certaines personnes peuvent présenter des intolérances aux sulfites, la rumeur selon laquelle les sulfites provoqueraient des maux de crâne n’est pas avérée ! Pour ça, il faut plutôt aller chercher du côté de la quantité de vin consommé :).
Quelques chiffres:
1 - Les teneurs en souffre maximales autorisées sont de 150 mg/L pour les vins rouges (100 mg/L pour les vins rouges bios), 200 mg/L pour les vins blancs secs et rosés (150 mg/L pour les vins bios), jusqu'à 400 mg/L pour les vins blancs liquoreux, en fonction de l'appellation (30 mg/L de moins que la réglementation officielle pour les vins liquoreux bios).
2 - Les levures de fermentation produisent de 5 mg/L à 30 mg/L de SO2 (souffre)
3 - La mention légale "Contient des sulfites" doit obligatoirement être affichée sur l'étiquette dès lors que le vin contient plus de 10 mg/L de SO2
On peut donc trouver certains vins sans sulfites ajoutés portant la mention "Contient des sulfites" !