Les vins du Liban

«Lorsqu’un Libanais tombe à la mer, il en ressort avec un poisson dans la bouche».  « Et une bouteille de vin dans la main » pourrait-on ajouter.  Car si les Libanais sont effectivement un peuple de marins, commerçants dans l’âme et débrouillards, ce sont également d’excellents vignerons.

Il y a près de 8000 ans, la vigne Vitis Vinifera était domestiquée dans le Caucase. C’est le début de l’histoire de la vigne et du vin. Quelques 3000 ans plus tard, elle gagne le pourtour méditerranéen par le croissant fertile. Cette région prospère, qui court du delta du Nil à l’Irak en passant par le Liban, a vu naître notre civilisation.

Depuis, le vignoble libanais, bringuebalé par l’histoire, a connu des hauts et des bas. C’est peu de dire qu’il traverse aujourd’hui une phase prospère. A défaut d’être connu, le travail de ses vignerons mérite d’être reconnu !

Le vignoble libanais dominé par un cèdre

La viticulture au pays du cèdre

Une histoire viticole rocambolesque, chahutée par les crises

L’histoire viticole libanaise commence 5000 ans avant Jésus-Christ. Les Cananéens, puis les Phéniciens, ancêtres marins des libanais, dominent alors le Moyen-Orient. Ils développent le commerce du vin à partir du port de Byblos, cité état située au nord de Beyrouth. Ils l’exportent à destination de tout le pourtour méditerranéen.

Plus tard durant l’Antiquité, la viticulture gagne en importance, et devient un enjeu régional stratégique et symbolique. En témoigne le temple de Bacchus, Dieu du vin pour les romains, qui trône au milieu de la vallée de Bekaa.

Le temple de Bacchus à Baalbek témoigne de la puissance symbolique du vin à l'époque romaine

Le temple de Bacchus à Baalbek témoigne de la puissance symbolique du vin à l’époque romaine

 

Au VIIème siècle, la région passe sous contrôle des Maures. C’est le début d’une succession d’occupations qui amène la région à intégrer l’empire Ottoman à partir du XVIème siècle. Si la consommation d’alcool est interdite, les jésuites se virent octroyer le droit de cultiver la vigne à des fins cérémonielles. Ils créent un vignoble dans la vallée de Bekaa, à Ksara en 1857. Après près de 1000 ans sans vin, cette implantation marque le début de la viticulture moderne au Liban !

A partir de là, tout s’accélère ! A la fin du XIXème siècle, les missionnaires venus de l’Algérie française, amènent au Liban leur expertise et du matériel moderne. De l’époque du protectorat français au début du XXème siècle, le Liban a gardé un certain nombre de cépages. Et le terme de « château », utilisé pour nommer les exploitations viticoles.

Malgré son intensité destructrice, la guerre civile de 1975 à 1990 n’a pas raison du vignoble. Entre les obus, les vignerons libanais continuent de produire du vin. A l’image de Serge Hochar, du château Musar, élu personnalité de l’année en 1984 par le magazine Decanter.

Depuis les années 1990 et la paix retrouvée, la viticulture libanaise connaît un renouveau remarqué. Très influencé par la culture viticole française, le vignoble libanais est profondément ancré dans l’ancien monde.

La vallée de Bekaa, poumon de la viticulture libanaise

Aujourd’hui, le vignoble libanais couvre une superficie de 14 000 hectares, dont seuls 3000 sont consacrés à la production de vin. Le reste étant dédié à la production de raisin de table. A titre de comparaison, ces 3000 hectares sont équivalents à la surface des Côtes de Nuit en Bourgogne ! Petit donc, mais en croissance régulière de 5% par an.

La carte du vignoble libanais

La carte du vignoble libanais @winetrust100.co.uk

 

Avec 60% de la surface plantée, la plus grande partie du vignoble libanais s’étend dans la fameuse vallée de la Bekaa. Etirée entre le mont Liban et le mont Anti-Liban dans une fine bande de terre de 100 km de long et 15 km de large, cette haute plaine fertile culmine à plus de 1000 mètres d’altitude. Elle offre des conditions idéales à la culture de la vigne.

Le climat libanais est bien sûr méditerranéen. Dans les hauteurs de la plaine de la Bekaa, il est modulé par d’importantes amplitudes de températures saisonnières et intra diurnales (au sein d’une même journée). Cette caractéristique climatique permet aux baies de raisin de développer leur acidité et leur sucrosité dans les meilleures conditions. Protégé par les montagnes, l’air y est sec et protège la vigne contre les maladies. Ce climat facilite la viticulture biologique, car les intrants chimiques y sont moins nécessaires.

Plus confidentiels, les vignobles du mont Liban (escarpé et ouvert aux quatre vents), de Batroun (face à la mer) et de Jezzine (au sud) offrent des conditions climatiques et géologiques différentes, qui permettent à une grande variété de cépages de s’exprimer.

Un mixte de cépages locaux et internationaux

L’encépagement libanais reflète l’histoire du pays.

  • La mer forgeant l’identité du Liban, on y trouve de nombreux cépages méditerranéens et rhodaniens. Parmi eux,  le cinsault, cépage le plus planté au pays du cèdre. Mais également le grenache, tempranillo, sangiovese, carignan, mourvèdre.
  • Le passage des français a également laissé des traces (cabernet sauvignon, merlot, cabernet franc, syrah, chardonnay, sauvignon blanc, sémillon, viognier, muscat).
  • Plus surprenant, on trouve au Liban des cépages de « vignobles froids » (riesling, gewürztraminer, pinot noir).

Mais ce qui fait l’originalité du vignoble libanais, et sûrement son avenir, c’est la présence de cépages autochtones qui ont survécu à ces différentes influences. Le merwah et l’obadieh font partie intégrante de l’identité de la viticulture libanaise. Ils sont également utilisés dans la production de l’arak, l’eau de vie aromatisée à l’anis, boisson nationale libanaise.

Côté blanc, il faut reconnaître que les cépages chardonnay, le sauvignon blanc et même le viognier semblent peu adaptés au climat libanais. Les cépages locaux, le merwah et l’obadieh, par contraste, ressortent du lot. D’autant qu’ils apportent une touche d’originalité !

Une cinquantaine de producteurs orientés vers l’export

Au sommet de son art, le vignoble libanais produit aujourd’hui près de 10 millions de bouteilles de vin par an, grâce au travail d’une cinquantaine de domaines. 50% de cette production est destinée à l’export : aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en France et au Canada en particulier.

Le Château Musar est l’un d’entre eux. Probablement le plus emblématique au Liban. Créé en 1930 par Gaston Hochar, il a activement participé à remettre la viticulture libanaise sur le devant de la scène internationale. Influencée par sa proximité historique avec la région bordelaise, la famille Hochar a patiemment construit la réputation du Château. Aujourd’hui, le domaine est reconnu comme une pépite au rayonnement internationale, primé dans les concours internationaux.

chateau musar sur vivino

Le château Ksara, créé par les jésuites en 1857 dans la plaine de la Bekaa, les châteaux Kefraya, Nakad, Marsyas, Ixsir et le domaine Wardy sont les plus connus d’entre eux.

Ces domaines, en plus de produire d’excellents vins, ont réussi à construire une offre oenotouristique digne des plus grands pays viticoles. Malgré les aléas géopolitiques, Le Liban a réussi à dynamiser son image à l’international, grâce à plusieurs atouts :

  • Son histoire millénaire, comme en témoigne le temple antique de Bacchus, est un des piliers de son offre oenotouristique
  • Sa gastronomie pleine de saveurs, faite de falafels, houmous et produits de la mer en est un autre
  • Son dynamisme culturel, à l’image du festival « les Dionysies », du nom des festivités antiques dédiées au Dieu Dionysos
  • Sa diaspora, présente et hyperactive dans le monde entier. Elle est le meilleur ambassadeur du vignoble libanais ! Vous avez dit « commercial dans l’âme » ?

PS : notre enquête n’a pas permi de confirmer la rumeur selon laquelle le vin libanais serait élevé en fût de cèdre 🙂

Jusque là, il y a 4 commentaires

Magda

Très bien l’article mais la photo c’est de La Morra, le très célèbre Cèdre du Liban de La Morra au Piémont, en province de Cuneo. Du coup il vous faudra écrire un article sur le Piémont 😉

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