Le Portugal, vignoble de tous les contrastes

En 1974, la révolution des oeillets marque la réouverture au monde du Portugal, après une longue période de dictature sombre. C’est également le moment choisi par les vignerons portugais pour reprendre conscience de la richesse de leur patrimoine viticole. Bâti au fil des siècles, il connut son âge d’or lors de la période coloniale, qui assit son rayonnement mondial.

Soutenue par les subventions européennes, la reprise en main du vignoble portugais impressionne. Elle donne l’occasion de redécouvrir un patrimoine viticole d’une grande diversité. Et met en évidence les nombreux contrastes qui le tiraillent. Elle est l’oeuvre de vignerons pugnaces, organisés autour de coopératives, de quintas familiales et des grandes maisons de vin, dans un tissu d’exploitations dense et efficace.

Le patrimoine viticole portugais s’illustre en effet par sa capacité à produire une grande variété de vins différents. Chose rare, cette production diversifiée couvre tous les segments de marché ! Des vins blancs frais et légers aux vins rouges structurés. Des vins d’apéritifs, gastronomiques et de digestifs. Certains faciles à boire, destinés à la consommation locale, et d’autres raffinés, d’une grande richesse aromatique. Ces derniers sont destinés à rivaliser avec les plus grands vins du monde.

Derrière cette diversité d’une production prolixe se cachent de nombreux contrastes qui tiraillent le secteur viticole. Le contraste entre la grande majorité des producteurs, tenant des méthodes de vinification traditionnelles entretenues par les coopératives et les quintas familiales d’un côté. Et les grandes maisons de vin de l’autre, qui possèdent des centaines d’hectares de vignes à travers le pays. Leur force de frappe financière et marketing leur permet de moderniser leur appareil productif et de se positionner efficacement sur les marchés internationaux.

Ce vignoble possède une l’histoire longue et prospère et mérite d’être connu !

Le vignoble portugais, un vignoble de terroir

Un patrimoine viticole qui résiste à la domination des cépages internationaux

Le vignoble Portugal compte entre 250 et 400 cépages locaux, souvent vinifiés en assemblage. Soit des milliers de combinaisons possibles, chacune d’elles adaptées à la moindre spécificité du terroir : sol, climat, exposition, altitude. On comprend qu’il n’existe pas deux vins identiques dans tout le pays !

La préservation de ce patrimoine ampélographique unique contraste avec la tendance observée dans le reste du monde :

  • Les vignobles du nouveau monde ont fait le pari de la vinification des grands cépages internationaux (Malbec en Argentine, Cabernet sauvignon et chardonnay en Californie, Sauvignon blanc en Nouvelle-Zélande…).
  • En Europe, les grands pays du vin se concentrent sur une dizaine de cépages locaux qui assurent souvent plus de 80% de la production.
  • Au Portugal, la diversité des cépages est telle, que les vignerons ne savent souvent pas précisément quelles sont les variétés plantées dans leurs parcelles !

On le remarque dans ce graphique, aucun des cépages internationaux n’est planté de manière significative dans le vignoble portugais. Exception faite de la syrah ! Cette politique assumée de valorisation des cépages locaux participe à la préservation du patrimoine ampélographique mondial. Et c’est tant mieux !

Un vignoble entre mer et océan

Contrairement à ce qu’on l’on pourrait croire, le Portugal n’est pas un pays méditerranéen ! En tout cas pas au sens strict du terme, puisque les 830km de côtes que comptent le pays font tous face à l’océan atlantique. Le pays ne bénéficie d’aucun accès direct à la mer méditerranée.

Entre influences méditerranéennes, océaniques et continentales, le pays offre une large palette de climats différents. Au sud, le climat chaud et sec des Algarves permet de vinifier des vins de soleil. Au fur et à mesure que l’on remonte vers le nord, les précipitations augmentent, ainsi que les variations de températures. Si bien que la moitié nord, qui regroupe la plus grande partie des appellations portugaises, bénéficie d’un climat clairement océanique.

A la dimension nord-sud s’ajoute celle de l’altitude. Les vignes sont en effet plantées entre 0m et 1000m mètres de hauteur. Ces différences d’altitude et d’exposition au soleil créent une multitude de « microclimats ». Chaque parcelle bénéficie de conditions uniques !

Le berceau de la notion de terroir

Argile, calcaire, schistes, granites : la structure géologique du Portugal est elle aussi variée.  Associée à la diversité climatique et à la richesse des cépages, cette variabilité des sols fait du Portugal un vignoble de terroir emblématique.

On le rappelle, un terroir est un territoire dans lequel le sol, le climat, les cépages et le savoir-faire des vignerons constituent un ensemble homogène, et dans lequel les vins produits présentent une typicité de style. On le comprend, le Portugal a su valoriser des terroirs multiples, qui sont autant d’atouts pour son vignoble.

L’appellation Douro est d’ailleurs représentative de cette notion de terroir. Les vignerons y ont développé tout un art dans le choix des cépages à planter en fonction du sol, de l’altitude du coteau, et de son orientation par rapport au soleil.

C’est d’ailleurs au Portugal que les premières appellations d’origine contrôlée, conçues pour protéger la notion de terroir, sont apparues au XVIIème siècle !

L’éternel débat entre la modernité et la tradition

Alors que le nouveau monde a fait le choix de l’innovation et que le vieux continent s’attache à ses traditions, le débat entre la modernité et la tradition fait rage au Portugal. Chaque vigneron se doit de choisir entre l’une et l’autre, et va jusqu’à le revendiquer sur l’étiquette de ses bouteilles !

Les tenants de la méthode traditionnelle croient en la supériorité des arômes et des tanins contenus dans le raisin. Tout le travail dans le chai est organisé pour les faire ressortir dans le vin. La méthode traditionnelle prône ainsi l’utilisation du lagar, cette cuve ouverte dans laquelle les raisins sont foulés à pieds nus. Elle refuse le recours à la filtration et au collage, et s’oppose surtout catégoriquement à l’utilisation de bois neuf, accusé de dénaturer les tanins. Et donc de porter atteinte à la notion de « terroir ». Elle prône enfin une maîtrise draconienne des rendements pour extraire un maximum de matière de la baie.

Les rendements du vignobles portugais sont d’ailleurs parmi les plus faibles du monde. 33hl/ha en moyenne, alors même que les AOC françaises, pourtant exemplaires, vinifient entre 35hl/ha et 60hl/ha !

Lagar, cette cuve traditionnelle utilisée pour le foulage des baies de raisin

Le débat entre partisans de la modernité et de la tradition se retrouve dans l’organisation même du secteur viticole.  Celui-ci s’articule autour de trois types d’acteurs bien identifiés : les coopératives, les quintas et les maisons de vins de marque.

Les coopératives issues du système lazariste ont toujours pignon sur rue

Les caves coopératives occupent une place prépondérante au Portugal et vinifient près de 50% de la production du pays ! Cette domination du marché par les coopératives est un héritage de la dictature lazariste. Le régime en créa une centaine à travers le pays et les dota d’un monopole dans l’achat des raisins. Ce n’est qu’à partir de l’adhésion du Portugal à l’Union Européenne en 1986 que ce monopole tomba.

Elles jouent néanmoins toujours un rôle structurant dans la production locale, soutenues par la fragmentation du vignoble. La grande majorité des 212 000 exploitations du pays couvrent en moyenne 1 hectare de vignes ! Pas assez pour investir dans un chai de vinification. Elles font le lien entre le respect des traditions locales et la nécessaire modernisation de leur appareil productif pour proposer au marché local des vins de bonne qualité.

Les Quintas familiales se transmettent de génération en génération

Sorties du système des coopératives, elles vinifient elles-mêmes leurs vins en toute indépendance. Ce sont souvent des exploitations familiales de quelques dizaines d’hectares. Dans le débat entre tradition et modernité, elles font souvent le choix de vinifier « à l’ancienne », selon un savoir-faire transmis de génération en génération. Elles font le choix des cépages traditionnels, du contrôle draconien des rendements et des techniques de vinification cherchant à tirer le meilleur du fruit.

Mais elles modernisent leurs infrastructures pour pouvoir répondre aux défis de la concurrence mondiale. Les vendanges et le foulage sont ainsi de plus en plus automatisés. La mécanisation remplace progressivement la main d’oeuvre, devenue rare et chère. Le savoir-faire de ces vignerons et la qualité de leurs infrastructures leur permettent de produire des vins reconnus sur la scène internationale et de gagner des parts de marché à l’export !

Les grandes maisons de vin de marque, tournées vers l’international

Héritières des maisons de Porto, dont elles ont repris le modèle, elles possèdent de nombreuses Quintas à travers le pays. Fortes de leur force de frappe commerciale et marketing et de leurs réseaux de distribution, elles portent les exportations de vins portugais dans le monde. L’une d’elle, Sogrape exploite 830 hectares de vigne au Portugal. Sogrape possède de nombreuses marques qu’elle a réussi à rendre visibles au-delà des frontières portugaises : Ferreirinha, Vinha Grande, Dugue de Viseu, Ferreira, Sandeman, Gazela et Mateus.

Ces grandes maisons de marque mettent leur point d’honneur à vinifier des cépages connus. Si elles respectent les traditions portugaises dont elles se servent comme un argument marketing, elles ont sur moderniser leur appareil productif. Elles sont désormais capables de produire de manière régulière des quantités suffisantes pour répondre à la demande de leurs marchés à l’export.

Mateus est une marque du groupe Sogrape qui propose des vins rosés demi-sec perlant

Une grande diversité des vignobles

Le vignoble portugais ne compte pas moins d’une trentaine de DOC (Denominação de Origem Controlada). La plus connue (et la plus ancienne) est celle du Porto, un vin muté d’une grande finesse. La plus déroutante est celle des vins de Madère, qui libèrent des notes d’oxydation qui vous surprendront ! Mais le vignoble portugais, c’est aussi d’excellents vins rouges et blancs secs qui vous feront voyager. Si toutes les appellations ne produisent pas des vins inoubliables, voila celles qui ont attiré notre attention.

 

Le Douro ne connaît pas que le Porto !

Le Douro est la région viticole la plus grande (45 000 hectares) et la plus connue du pays ! Elle est célèbre dans le monde entier pour trois raisons :

  • la production du fameux Porto que l’on connaît tous,
  • ses vignes en terrasses qui offrent des paysages magnifiques, classés au patrimoine mondial de l’humanité
  • ses vins rouges, non mutés, de caractère

La région du Douro ne produit en effet pas que du Porto ! 50% des vins du Douro sont des vins non mutés. Ce sont des vins rouges structurés, tanniques et épicés. A noter que la région produit également d’excellents vins blancs.

Le Vino verde, pour les vins blancs presque pétillants

Deuxième vignoble du pays (35 000 hectares plantés), le Vinho Verde est réputé pour ses vins blancs secs, fruités, vifs voire légèrement pétillants en bouche. Leur caractéristique, faible teneur en alcool et forte acidité, s’explique par l’influence océanique qui domine dans cette région du nord-ouest du pays.

Les principaux cépages du Vinho Verde sont l’Alvarinho, le Loureiro, l’Arinto et l’Azal.

Ces vins, peu aptes à la garde, sont agréables à boire jeunes, d’où leur nom de « vin vert ». Ils accompagnent à merveille le plat national portugais: le fameux bacalau !

Le Dao, 20 000 hectares de vins de caractère !

Le Dao est une des régions viticoles les plus prometteuses du Portugal. Situé au sud du Douro, entre l’océan et l’Espagne, à hauteur de Coimbra, elle offre un paysage montagneux. Les vignes sont plantées en côteaux entre 200m et 1000m d’altitude. Elles bénéficient d’un climat idéal. Prises entre les influences méditerranéennes, océaniques et continentales, elles subissent des variations de température importantes qui leur permet de développer sucrosité et acidité. C’est le combo gagnant pour la production de vins de garde d’une grande élégance.

Les cépages les mieux mis en valeur dans le Dao sont le Touriga Nacional pour les rouges et l’Encruzado pour les blancs. Suivez bien cette région car il est dit qu’elle vinifiera bientôt les meilleurs vins du Portugal !

L’Alentejo produit des vins de soleil

Le nom « Alentejo » signifie « au-delà du Tage. Le vignoble d’Alentejo s’étire effectivement sur une large zone de Lisbonne à la frontière espagnole. Les 20 000 hectares de vignes que comptent l’appellation sont soumis à une multitude de terroirs. Entre influences méditerranéennes et continentales, sols schisteux, argilo-calcaires et granitiques, les vins sont variés.

Les rouges sont des vins de soleil : concentrés, taniques et aux arômes de fruits confits. On dit qu’ils ressemblent aux vins du nouveau monde ! C’est d’ailleurs dans cette région que l’on trouvera les rares cépages internationaux du pays, la syrah en particulier.

Ce sont des vins qui présentent un excellent rapport qualité-prix… souvent davantage en raison de leur prix que de leur qualité.

Jusque là, il y a 2 commentaires

Alexia Hupin

Merci pour toutes ces informations sur le vignoble portugais ! J’ai du mal à retenir les informations sur le Portugal, de part sa diversité (de terroirs, cépages,…) donc ce récapitulatif est hyper utile !

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