Les professionnels du vin toutes voiles dehors contre les adresses internet en .vin et .wine

Qu’est ce qu’un nom de domaine ?
Le nom de domaine, encore appelé adresse internet ou URL est l’adresse qui identifie un service internet.Le plus souvent, il s’agit d’un site web, mais il peut aussi s’agir d’une adresse email par exemple.Dans l’adresse internet « vinsdumonde.test-umgebung.de »:

  • « .eu » est l’extension de domaine
  • « dumonde.eu » est le nom de domaine
  • « vinsdumonde.test-umgebung.de » est un sous-domaine du domaine dumonde.eu
les professionnels du vin toutes voiles dehors contre les domaines en .vin et .wine

les professionnels du vin toutes voiles dehors contre les noms de domaine en .vin et .wine

Depuis le début de l’année 2014, de nouvelles extensions d’adresses internet font leur apparition, au rythme de 4 ou 5 par semaine. Ces nouvelles extensions de domaines du type .camera, .club, .paris, .alsace viennent compléter les extensions existantes et connues de tous (.com, .fr, .eu, .org, …). Il vous est donc possible d’enregistrer des noms de domaines (voir encadré) plus contextuels à votre activité ou au thème de votre site internet, comme « degustation.vin » au lieu de « degustationdevin.com »

Dans ce contexte, deux nouvelles extensions vont faire leur apparition dans les prochains mois (la date n’est pas encore connue), qui posent un problème aux professionnels du vin: le .vin et le .wine. A tel point que la commission européenne s’en mêle et menace la gouvernance mondiale de l’internet. Comment en est-on arrivé là ? Quel est donc le problème posé par ces nouvelles extensions de domaines ?

La gouvernance de l’internet, c’est quoi ?

Depuis sa création, le succès de l’Internet repose sur son mode de gouvernance décentralisé: le réseau s’est développé comme une toile horizontale, échappant au contrôle des états et à la main mise des grands acteurs privés du web (Google, Amazon, …). C’est la raison d’être et l’ADN de l’internet que seule ses communautés d’utilisateurs et de développeurs contrôlent. Le rythme des innovations technologiques et de services qui font avancer le réseau s’en trouve accéléré.

L’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) est le seul organisme officiel de gouvernance de l’internet. Créé en 1998 par Bill Clinton, l’ICANN est une société de droit californien à but non lucratif, « indépendant » mais en réalité sous tutelle du ministère du commerce de l’administration américaine. C’est aujourd’hui ce qui pose problème, car si internet reste et doit rester indépendant, son organisme de contrôle, dont le seul rôle est de garantir son indépendance, est sous tutelle du gouvernement américain.

Le rôle de l’ICANN est simple: elle a la responsabilité de gérer la base de données qui associe chaque nom de domaine à une adresse IP unique. Sans cette base de donnée, pas d’internet. L’ICANN n’a aucune influence sur le contenu publié sur internet, mais étant le seul organisme de contrôle, elle jouit d’une influence majeure sur l’évolution de l’internet.

Quels sont les nouvelles extensions de noms de domaine ? A quoi servent-elles ?

Il existe plusieurs types de nouvelles extensions de nom de domaine:

  • les extensions géographiques: .paris, .london, .berlin, .nyc…
  • Les extensions thématiques dites « verticales »: .club pour les clubs et les associations sportives par exemple, .bike pour les amateurs de vélo, .photo pour les amateurs de photographie…
  • Les extensions propre aux usages internet: .blog, .boutique, .website…

L’ICANN a la prérogative d’ouvrir de nouveaux territoires numériques et d’en fixer les règles. Elle a lancé en 2008 un appel d’offre pour le lancement de nouvelles extensions de nom de domaine. Il en a résulté 1.930 candidatures à la gestion de nouvelles extensions de noms de domaine. Parmi lesquelles le .vin et .wine.

Ces nouvelles extensions présentent plusieurs avantages:

  • Les extensions traditionnelles sont proches de la saturation. Avec 130 millions de noms de domaines enregistrés en .com, il reste peu de domaines de moins de 10 caractères disponibles. Les nouvelles extensions créent de nouvelles possibilités pour des noms de domaines plus courts.
  • Les nouvelles extensions, plus précises, plus contextuelles, permettent d’inclure plus d’informations dans le nom des sites web, qui sont ainsi plus lisibles, et plus faciles à trouver sur internet.
  • La visibilité sur internet des sites web ou autres applications persos, pros ou business s’en trouve clarifiée: plus faciles à trier, ces sites sont donc aussi plus faciles à trouver.

Quel est le problème avec .vin et .wine ?

Le coeur du problème ? Selon les règles de l’ICANN, la procédure d’attribution des noms de domaines en .vin ou .wine (par exemple chateaulafitte.vin, pomerol.wine,…) suit une logique du « premier arrivé, premier servi ». Si un nom de domaine est disponible, le premier à vouloir s’y porter candidat se le verrait attribuer. Le risque est donc de voir des entités commerciales enregistrer des noms de domaines correspondant à des indications géographiques sans qu’il soit réservé un droit de préemption aux représentants légitimes de ces appellations. Ces entités pourraient alors:

  • abuser le consommateur en détournant l’usage commercial des ces noms de domaines: on peut imaginer un revendeur malveillant vendre du la piquette sur un site étiqueté lafitte.vin pour duper le consommateur. C’est ce qu’on appelle de la contrefaçon.
  • acheter des noms de domaines connus en .vin ou .wine pour les revendre à leurs propriétaires légitimes au prix fort. C’est ce qu’on appelle le « cyber-squatting« 

C’est donc bien une bataille entre l’internet et nos terroirs, le mondial et le local, le marketing et « l’exception culturelle du vin »  qui se joue. La gouvernance mondiale de l’internet, qui se veut au-dessus des états et donc de leurs lois, se confronte à une industrie dont les enjeux sont de l’ordre du local.

Les professionnels français et européens du vin, relayés par le secrétariat d’état à l’économie numérique, le ministère de l’agriculture, et la commission européenne montent au créneau pour défendre la spécificité de leur métier et demandent à l’ICANN de prendre en compte leurs spécificités. Ils ont récemment été rejoints dans leur combat par plusieurs régions viticoles américaines, parmi lesquelles la prestigieuse Napa Valley. La France a ainsi menacé de retirer se représentation nationale à l’ICANN. Menace plus politique que stratégique cependant.

Un mécanisme de protection des marques existe, qui ne satisfait pas les professionnels du vin

Pour nuancer l’enjeu, il faut préciser que les règles de l’ICANN pour l’attribution des noms de domaines prévoient un droit de préemption pour les marques enregistrées auprès du Trademark Clearinghouse » (un organisme chargé de la protection des marques sur internet): les marques peuvent s’enregistrer dans une base de données centralisée, ce qui leur donne le droit:

  • d’enregistrer les noms de domaines liés à la marque en priorité avant le lancement de chaque nouvelle extension
  • d’être notifiées lorsqu’un tiers enregistre un nom de domaine lié à la marque enregistrée

Ce mécanisme est cependant loin d’être satisfaisant car il ne couvre pas les indications géographiques qui ne sont pas des marques.

Qui est candidat à la gestion du .vin et du .wine ?

  • Aussi surprenant que cela puisse paraître, l’entreprise qui s’est portée candidate à la gestion du .vin s’appelle Donuts ! (non, non, ce n’est pas une blague). Donuts est une entreprise dont la gestion d’extensions de domaine est le métier. Donuts gère déjà des dizaines d’extensions « verticales » comme le .bike, .shoes, .maison, .email… et s’est portée candidate à des dizaines d’autres.
  • Quant au .wine, aux côtés de Donuts (ou plutôt contre Donuts), deux autres entreprises plus discrètes se sont mises sur les rangs. Sauf accord entre les trois candidats, l’attribution du .wine devrait se faire aux enchères

Peut-on se passer du numérique ?

On peut reprocher aux professionnels du vin et à ceux qui les représentent de n’avoir pas su anticiper le virage du numérique. Comment expliquer que Donuts fut la seule entreprise à se porter candidate à la gestion de l’extension .vin ? Aucun représentant du monde du vin ne fait non plus partie de la liste des trois candidats à la gestion de l’extension .wine. Comment expliquer que la première réaction des professionnels du vin ait lieu en automne 2012 alors que l’arrivée des nouvelles extensions de domaines est connue depuis 2008 ?

Savoir tirer profit d’Internet n’est plus une option, mais une condition indispensable au succès d’une industrie, aussi locale ou exceptionnelle soit elle. Les professionnels du vin qui crient au scandale aujourd’hui ont de quoi culpabiliser de ne pas avoir compris à temps que les nouvelles extensions de domaine constituaient une opportunité pour leur branche. L’état n’a pas joué le rôle de stratège qu’on pouvait attendre de lui. Quand à l’Europe, c’est à son niveau que se joue le bras de fer avec l’ICANN. La balle est donc dans son camp.

Si l’industrie du vin gagnerait à se remettre en cause et à avancer vers le monde du numérique pour développer ses marchés et s’adapter à un monde qui bouge, l’ICANN, de son côté, ne peut pas ignorer la complexité du monde réel qu’il tend à intégrer dans sa sphère numérique.

Bref, on est encore loin d’une wine-wine solution.

 

Nota Bene:
Vous pouvez vous tenir au courant des informations mises à jour sur le lancement des adresses internet en .vin et .wine sur le site eureca.domains.

Jusque là, il y a 4 commentaires

François Potevin

Officiellement, Google ne favorise pas, ni ne pénalise, les nouvelles extensions de noms de domaines dans son référencement. Dans les faits, la migration d’un site vers un nouveau nom de domaine crée une dégradation temporaire du référencement.

Réponse

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *