Je vous mets au défi de trouver un bon film d’où le vin est absent. Il y a toujours une bonne bouteille qui traînera sur une table, un verre à moitié plein, une vigne dans un arrière plan. En revanche, rares sont les bons films qui font du vin leur thème principal. Pourtant, l’univers de la viticulture recèle de thèmes « cinématogéniques » : la rapport à la nature, la maîtrise du temps, le retour aux sources, le respect des traditions, la famille, la succession…
Le vin au cinéma se retrouve essentiellement sous deux formes :
- Les reportages engagés, comme le célèbre Mondovino et le superbe Red Obsession, dont nous avons déjà parlé
- Et les comédies plus ou moins dramatiques, souvent familiales.
Dans cette article, nous nous concentrerons sur cette dernière forme. Le vin a-t-il son blockbuster ?
Sideways (2005) – le précurseur
Tu seras mon fils (2011) – le drame de la transmission
Un film de Gilles Legrand avec Niels Arestrup, Lorànt Deutsch, Patrick Chesnais.
Note IMDb : 6,9/10
Si le rôle de Paul devait initialement être joué par Gérard Depardieu, le film est finalement parfaitement porté par le trio Niels Arestrup, Laurent Deutsch et Patrick Chesnais. Bouleversant et passionnant, ce drame familial nous embarque dans les non-dits du milieu viticole bordelais où la transmission traditionnelle de fortunes enferme ses protagonistes plus qu’elle ne les rend heureux.
Une grande année (2007) – le retour aux sources
Un film de Ridley Scott avec Russell Crowe, Marion Cotillard, Albert Finney
Note IMDb : 7/10
Notes Allociné : 1,8/5 (Presse) – 2,5/5 (Spectateurs)
Notre note : 2/5
Max, un banquier d’affaire anglais, hérite du domaine viticole de son oncle en Provence, dans lequel il a passé une partie de son enfance. Résolu à vendre le domaine, il tombe progressivement sous le charme de ce nouveau mode de vie et entreprend de rénover le domaine pour en obtenir un meilleur prix.
Le film traite du vin sous l’angle du retour aux sources. Et quoi de mieux qu’un banquier anglais pour incarner l’éloignement du réel ? Si le concept est riche et prometteur, on est déçu par l’accumulation des clichets qui jalonnent le film. Le clichet de la belle serveuse du bar provençal (Marion Cotillard), le clichet du banquer anglais avide (Russel Crowe), … On est dans une conception mythifiée du vignoble français, idéalisée à l’américaine. On regrette que Ridley Scott ne soit pas allé au-delà de cette vision de carte postale.
Saint-Amour (2016) – le road trip viticole
Saint-Amour est un film à la croisée des chemins, entre la comédie, le drame familial et le road trip à travers les vignobles français. A la fois drôle et émouvant, à l’image d’un Benoît Poelvoorde tourmenté, le film est tiraillé entre la jeunesse déconcertante incarnée par Vincent Lacoste et la vielle France, que Gérard Depardieu représente dans le rôle du patriarche agriculteur qui n’a d’yeux que pour ses vaches.
Malgré un excellent casting, la réalisation manque parfois de relief, ou peut-être de budget. Le résultat est en effet loin du succès populaire rencontré par Depardieu dans « Les Valseuses ». Il est malgré tout un genre à lui tout seul. Si on se laisse prendre au jeu, c’est grâce à la qualité d’interprétation du trio Depardieu – Poelevoorde – Lacoste que par la réalisation signée Benoît Delépine et Gustave Kervern.
Ce qui nous lie (2017) – la comédie dramatique bourguignonne
De Cédric Klapisch, avec Pio Marmai, Ana Girardot, François Civil
Note IMDb : 7,5/10
Notes Allociné : 3,2/5 (Presse) – 4/5 (Spectateurs)
Notre note : 2,5/5
La famille, la terre, la transmission, l’amour. « Avec ce qui nous lie », Le réalisateur de « L’auberge espagnole » s’essaye au Wine movie en s’appuyant sur des thèmes classiques. Tout y est, sauf que la mayonnaise ne prend pas. La faiblesse du casting ? Un genre encore mal maîtrisé ? On en attendait davantage de Cédric Klapisch.
Premiers Crus (2015) – l’autre comédie dramatique bourguignonne
Porté par un Gérard Lanvin convaincant dans son rôle de vigneron bourru et désabusé, c’est surtout la photographie du film qui nous transporte. Jérôme le Maire a su filmer la Bourgogne, ses nuances de couleurs et ses ambiances qui évoluent tout au long de l’année. La dramaturgie ne sert que de support à ce spectacle visuel.
La polémique !
On peut s’interroger sur la proximité du film de Klapisch avec celui de Jérôme Le Maire.
Que Klapisch ait choisi la même région pour tourner « Ce qui nous lie » n’est pas intrigant en soi. La Bourgogne s’y prête : ses côteaux, ses domaines et son histoire offrent aux réalisateurs une matière riche. Ce qui surprend, c’est davantage la proximité des parcelles filmées dans ces deux longs métrages. Situées à quelques encablures les unes des autres, autour de la colline de Corton dans la région de Beaune.
L’intrigue aussi intrigue. Klapisch met en scène un drame familial sur le thème de la survie d’un domaine, qui fait face à des difficultés financières et dont la situation est compliquée par des problèmes de succession et des histoires sentimentales. Comme dans « Premiers Crus », la famille et l’amour du terroir sont le liant qui permet la sauvegarde du domaine.
Enfin, les similitudes jusque dans la mise en scène nous interrogent. Vous l’avez compris, on se pose la question : Klapisch s’est-il inspiré du film de Le Maire ? Où est-ce que le genre « Wine Movie » est destiné à être cantonné à des comédies dramatiques familiales et bourguignones ?
La comédie, le drame familial, le road movie sont autant de genres adaptés aux films sur le vin. Mais le « Wine Movies » reste encore un genre à créer.
Le road movie a eu Into the wild et Les Valseuses, le territory movie a connu son heure de gloire avec Bienvenue chez les Ch’tis, on attend toujours LE wine movie qui marquera son temps !
Personnellement, je n’ai pas accroché à « Sideways » – je n’ai pas regardé le film en entier – too american… Mais j’ai beaucoup apprécié « Tu seras mon fils ». Aucun rapport avec la choucroute, mais j’aime beaucoup les verres à vin dans « Le parrain 1 » (dans le restaurant ou le chef de la police et le gangster sont tués par Al Pacino alias Michael Corleone). Mais il fallait que je le dise, là maintenant.
Gilles Legrand avec Niels
Pour ma part, je ne partage pas ton avis sur la comparaison entre le film de Le Maire et de Klapisch. Je suis bourguignon de naissance, passé par l’école de viticulture et d’oenologie de Beaune, et aujourd’hui apprenti vigneron.
Le film « Premiers Crus », malgré de belles images, montrent une incohérence chronologique de la vigne, tout au long du film. Une histoire trop romancée et facile, en terme de viticulture et de vinification. Mais un beau casting et enfin un film français sur le thème du vin à ce moment là.
Le film « Ce qui nous lie », est effectivement assez similaire sur divers points mais la chronologie de la vigne est d’avantage respectée. Le problème de l’héritage du domaine et de la vigne y est beaucoup mieux abordé en cernant un peu mieux le gros problème du foncier viticole actuel en Bourgogne. L’approche des divers travaux viticoles et de vinifications, y est plus concrète et moins fantastique, tout en laissant place à la liberté de décision et de risques à prendre qu’il faut avoir dans ce métier. Plus de valeurs aussi de fête, de partage, d’ouverture à ce qui se fait ailleurs, etc.
J’avais été très déçu aprèsla sortie de « Premiers Crus » et je m’attendais à l’être tout autant pour » Ce qui nous lie » mais au contraire, il m’a réconcilié avec le film français autour du vin, même si l’on attend toujours un film encore plus complet et aussi plus engagé en terme « bio ».