Le réchauffement climatique et le vin

Une perturbation de l’équilibre terroir – climat – vigneron

Le réchauffement climatique est une réalité qui n’est désormais plus niée que par quelques lobbyistes. Les experts s’accordent à dire qu’au cours du XXème siècle, les températures moyennes ont augmenté de plus de 1°C. Et cette tendance s’accélère. L’objectif ambitieux de l’accord de Paris est désormais de contenir cette envolée à +2°C d’ici 2100.

Or si la vigne est une plante résistante, l’exigence qualitative qu’on lui porte la rend vulnérable au réchauffement climatique.

« L’évolution du niveau de température moyen va influencer la physiologie de la plante, la composition du raisin et la qualité des vins. »  Philippe Darriet, directeur de l’unité de recherche Œnologie (Inra – université de Bordeaux).

Grâce à ses racines, la vigne puise l’eau et les sels minéraux dont elle a besoin en profondeur. Elle sait ainsi résister aux grandes chaleurs et à la sécheresse. Mais cette capacité de résistance connaît plusieurs limites:

La capacité d’adaptation de la vigne dans ses terroirs de prédilection est le fruit d’une évolution millénaire. L’accélération de la montée des températures perturbe cet équilibre précaire. Le risque est l’apparition de nouvelles maladies s’attaquant à la vigne, ou la perte de richesse aromatique du jus de raisin.

Quid de l’augmentation des fréquences des catastrophes naturelles (orage, grêle, gel, sécheresse…), qui sont les corollaires d’un climat qui perdrait sa boussole ?

Par ailleurs, la richesse de nos grands crus tels qu’on les connaît aujourd’hui est due au savoir-faire unique des vignerons. De génération en génération, ils ont appris à travailler leur vigne et leur vin de façon optimale par rapport aux exigences du triptyque « terroir,  cépages, climat ». Un changement de climat leur imposerait de repartir de zéro.

Le changement de climat a déjà un effet sur nos vins

Les effets de l’augmentation des températures sur le vin sont déjà visibles.

Illustration du réchauffement climatique et de son impact sur la viticulture: les vendanges ont lieu en moyenne 20 jours plus tôt qu'il y a 70 ans

On observe un peu partout dans le monde que les vendanges commencent en moyenne 20 jours plus tôt  qu’il y a 70 ans. Cette évolution est due à la maturation plus rapide des raisins sous l’effet de températures plus élevées.

De même, on remarque que les vins sont de plus en plus chargés en alcool. Dans un domaine donné, à cépage et terroir égal, le taux d’alcool contenu dans le vin est passé en moyenne de 12,5° il y a 30 ans à 15° aujourd’hui ! Une évolution des goûts ? Non. Les raisins mûrissant plus vite contiennent plus de sucre au moment des vendanges. Le sucre se transformant en alcool au cours de la fermentation, le degré alcoolique des vins augmente.

Jusqu’où cela va-t-il s’arrêter ? 🙂

Quelles conséquences à moyen terme ?

Un risque de perte de qualité

En raison de sa maturation plus rapide, le raisin a moins le temps de développer la complexité de ses arômes. Ainsi les arômes végétaux vont s’effacer au profit d’arômes plus fruités, ce qui peut s’avérer positif. Dans une certaine mesure seulement.

En raison de son degré alcoolique plus élevé, le vin va perdre de son acidité. Avec pour conséquence une perte de fraîcheur en bouche, et un potentiel de garde réduit.

Les recherches se multiplient pour apporter des solutions. Des changements de cépages sont expérimentés, et de nouvelles techniques de vinification sont testées un peu partout dans le monde.

Des changement de cépages

Certains cépages résistent mieux au stress hydrique. D’autres se caractérisent par une durée de maturité plus tardive ou une teneur en sucre plus faible. Ces cépages et leurs clones pourraient à terme remplacer les raisins vulnérables à la hausse des températures comme le merlot, roi du Bordeaux et le pinot noir, empereur de Bourgogne.

Ainsi la syrah, connue pour sa maturité tardive qui la rend populaire dans les vignobles chauds (Côte du Rhône, Australie) pourrait s’étendre à des vignobles plus septentrionaux. Des expérimentations sont déjà en cours dans le Bordelais.

Le cabernet franc pourrait supplanter son cousin le cabernet sauvignon, trop généreux en sucre, dans le Bordelais, en Californie et en Afrique du Sud.

Le ré-encépagement est donc une option prometteuse pour faire face au réchauffement climatique, même s’il implique automatiquement un changement de style pour le vin.

De nouvelles régions productrices

D’après le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, qui planche sur le réchauffement climatique), une hausse de 1°C des températures correspond à un « déplacement » du climat de 160 km vers le nord (dans l’hémisphère nord).

Nous voila donc devant un scénario encore jugé improbable il y a quelques années: des vignobles pourraient se développer en Bretagne, en Normandie, en Belgique ou encore en Angleterre. Ce dernier commence d’ailleurs à faire parler de lui en plantant massivement des vignes et produit un vin effervescent qui ne cesse de monter en gamme.

Partout dans le monde, le réchauffement climatique fait donc peser un risque sur le style (au mieux) et la qualité (au pire) de nos grands vins. Ce constat est une raison supplémentaire, s’il en fallait une, de prendre conscience de l’enjeu que constitue le changement climatique et de la nécessité d’y répondre collectivement.

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