Le Chardonnay, ce cépage caméléon

Vous le savez, sur Vinsdumonde.blog, nous promouvons la diversité. Celle des cépages en particulier. Comment se fait-il alors que nous nous intéressions au chardonnay, cépage mondialisé par excellence, alors que nous avions été si critiques sur le cabernet sauvignon, à qui nous reprochions de devenir une marque ?

Le chardonnay est en effet l’un des cépages les plus plantés au monde. Parmi les cépages blancs, il est numéro 2 derrière l’airen. A la différence près qu’il est planté dans 42 des 50 plus grands pays viticoles du monde. Alors que l’airen n’est véritablement présent qu’en Espagne !

Australie, Canada, France, Liban, Nouvelle-Zélande, Slovénie, Afrique du Sud, Angleterre, Etats-Unis… tous ces pays ont pour caractéristique commune d’y voir le chardonnay planté sur plus de 5% de la surface totale de leur vignoble. C’est pour dire à quel point ce cépage est capable de s’adapter à tout type de cultures viticoles : ancien et nouveau monde, climats chauds et froids, vignobles de tradition et vignobles d’innovation, hémisphères nord et sud. Il est tout simplement partout.

L’explication tient en un mot : c’est un cépage caméléon. Le chardonnay s’adapte à tous les terroirs dont il capte la nature profonde pour la restituer dans le vin. C’est un cépage capable de développer des caractéristiques organoleptiques d’un grande diversité en fonction du sol et du climat qui l’ont vu mûrir et du travail du vigneron dans le chai. Ce n’est pas un signe de manque de personnalité, bien au contraire ! Paradoxalement, c’est un des cépages les plus faciles à identifier en bouche. Car derrière les variantes illimitées d’arômes qu’il dégage, il présente une personnalité aromatique forte, reconnaissable parmi tant d’autres.

L’histoire du chardonnay

Peu de certitudes sur l’origine du chardonnay, tant son apparition remonte loin dans le temps. Serait-il originaire de Jérusalem, comme son nom dérivé de l’hébreu « Cha’ar Adonai » (comprendre « Les Portes de Dieu ») le laisserait penser ? D’autres prétendent que son nom est au contraire dérivé du mot « chardon », dont il partage le goût pour les terroirs calcaires. Les plus sérieux renvoient au village de Chardonnay, dans le mâconnais.

C’est effectivement la seule certitude dans l’histoire du chardonnay : son berceau est bel et bien la Bourgogne, et plus précisément le sud de la Bourgogne. C’est en tout cas ce à quoi concluent les études ampélographiques (l’étude scientifique des cépages). C’est aussi dans cette région que l’on trouve les chardonnays les plus fins, en cercles concentriques autour du village de Chardonnay: les appellations Pouilly Fuissé, Viré-Cléssé, Saint-Véran, puis les grands noms Meursault et Chassagne. Vient ensuite le vignoble de Chablis et enfin la Champagne.

Une étude californienne a démontré que le chardonnay était issu d’un croisement entre le pinot noir et le gouais blanc. Si ce croisement remonte à plusieurs siècles, il pourrait être d’origine humaine ! En effet, le pinot noir est un cépage d’une grande finesse, mais difficile à cultiver. Le gouais blanc quant à lui est un cépage relativement banal, mais d’une grande facilité de travail dans la vigne. Les vignerons des anciens temps auraient pu avoir l’idée de les assembler pour tirer le meilleur parti des deux cépages. Et c’est une réussite !

Grâce à ses qualités organoleptiques et à la renommée des grands vins bourguignons, le chardonnay va rapidement sortir de sa Bourgogne natale pour aller conquérir le monde. Il va d’abord faire un pas de côté vers la Champagne voisine. Il est en effet largement utilisé dans la vinification du champagne, assemblé au pinot noir et au pinot meunier, ou vinifié seul en « blanc de blanc ». On le retrouve ensuite en Occitanie dans des climats plus chauds, puis dans la Loire et le Jura dans des climats plus frais. Il gagne enfin l’Alsace où il fait le succès de ses crémants !

Fort sur ses bases, le chardonnay est alors mûr pour partir à la conquête du monde.

Un cépage mondial aux multiples facettes

Le chardonnay se répand à l’international comme une tâche d’huile. S’il réussit aussi bien dans des vignobles aux sols et aux climats si différents, c’est grâce à ses formidables capacités d’adaptation !

Dans un premier temps, il gagne tous les pays d’Europe qui comptent dans le monde du vin, sans véritablement s’imposer face aux cépages blancs locaux. Il reste anecdotique en Espagne (0,8% de l’encépagement) face à l’Airen blanc. En Italie (3%), il rivalise difficilement avec l’ugni blanc et le pinot gris. En Allemagne (1,7%), il ne parvient pas à s’imposer face aux cépages d’Europe centrale comme le Müller Thurgau et son grand rival : le riesling.

Lors des épisodes de colonisation du XVIème au XVIIIème siècle, les vignerons émigrés européens l’emmènent avec eux découvrir le nouveau monde : Californie, Australie, Nouvelle-Zélande, Chili et Afrique du Sud sont autant de grands pays du vin qui ont apprivoisé sa vinification.

Les chardonnays californiens rivalisent dorénavant avec les grands vins bourguignons. Cette entrée dans la cour des grands est confirmée en 1976 lors d’une dégustation à l’aveugle devenue célèbre : Le jugement de Paris, au cours duquel le chardonnay californien du Chateau Montelena l’emporte face aux vins blancs bourguignons.

Si il n’a pas supplanté le sauvignon blanc, le cépage incontesté en Nouvelle-Zélande qui couvre près de 70% du vignoble, le chardonnay s’y est néanmoins fait une place confortable. Avec 9% du vignoble, c’est le deuxième cépage le plus planté. Il exprime toute sa puissance dans la région de Gisborne.

A noter également l’affection des anglais pour le chardonnay dans leur vignoble naissant. Le réchauffement climatique permet de plus en plus aux cépages français d’arriver à maturation dans le sud de l’Angleterre. Grands amateurs de champagne, les anglais du Kent ont remarqué que leur sol calcaire était en tout point similaire à celui de la Champagne ! Il n’en faut pas beaucoup plus pour inciter des anglais qui n’ont pas perdu le goût de l’aventure pour planter du pinot noir, pinot meunier et chardonnay !

Grâce à son implantation mondiale, notre cépage a développé sa notoriété. Il est désormais le cépage blanc le plus connu au monde.

Un cépage caméléon qui s’adapte à son sol, son climat et son vigneron

Le chardonnay est un cépage caméléon : il sait prendre le meilleur de chaque terroir et le transformer en arômes. D’un vignoble à l’autre, il révèle des qualités différentes et originales.

Dans les vignobles au climat frais, il dévoile des arômes minéraux, de fruits verts (pomme, poire) et d’agrumes et se caractérise par sa fraîcheur. Sur des sols calcaires, il exprime le mieux sa complexité aromatique, comme c’est le cas en Bourgogne, en Allemagne, en Nouvelle-Zélande ou encore au Canada. On y décèle alors des arômes plus complexes d’acacia, d’aubépine et de pierre à fusil.

Sous les climats plus chauds, il révèle davantage sa texture grasse, ses arômes de fruits blancs (pêche, litchi) et de fruits tropicaux (mangue, ananas). C’est le cas des grands chardonnay californiens et australiens.

Il est également très sensible aux techniques de vinification. C’est donc un terrain de jeu extraordinaire pour les vignerons du monde entier. Ils aiment le vinifier en mono-cépage et plus rarement en assemblage. Ils recherchent parfois la fraîcheur et le fruit, et d’autres fois la complexité aromatique. Ils sont alors amenés à l’élever en fûts de chêne, qui amènent des notes beurrées, vanillées et des arômes de pain grillé.

Partout dans le monde, il est enfin vinifié selon la « méthode traditionnelle » champenoise dans la production de vins à bulles. Ce cépage y est à l’origine des arômes de noisette, si caractéristiques des grands vins effervescents.

Une chose est sûre : le chardonnay est reconnaissable par sa robe jaune brillante, aux reflets dorés, et d’une étonnante intensité.

Les accords mets-vins recommandés avec le chardonnay

Le chardonnay est un cépage qui s’accorde très facilement avec une grande variété de plats. Il convient néanmoins de faire la part des choses entre les chardonnays de vignobles frais et ceux des vignobles chauds.
Pour les premiers, qui se caractérisent par leur structure nerveuse et leurs arômes élégants, privilégiez les fruits de mer (huître, crabe, homard) et les poissons gras. Vous pouvez également accompagner des fromages à pâte dure et les fromages de chèvre.

Pour les seconds, plus souples et plus gras, n’hésitez pas à cuisiner des poissons au beurre ou en sauce, et des viandes blanches à la crème. Côté fromage, allez vers des fromages mous voire crémeux.

D’une manière générale, comme nous le précisions dans notre post dédié aux accords mets-vins, privilégiez des accords mets-vins locaux. Les vignerons locaux vinifient souvent les vins les plus adaptés à la gastronomie locale !

 

Jusque là, il y a 3 commentaires

Organe Leptique

Il n’a pas l’air mauvais ce poisson en sauce ! Par contre quel bordel sur cette commode.. 😉

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Alexia Hupin

J’ai trouvé cet article très intéressant et bien renseigné, merci ! J’adore la versatilité du Chardonnay, on peut tout faire avec ce joli cépage. D’autant plus qu’on peut le travailler de multiples façons en cave aussi !
Je ne connaissais pas les détails par rapport à l’origine de son nom ou au croisement Pinot Noir x Gouais Blanc… Ravie d’en avoir appris plus !

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