Le marché français des vins étrangers

Les français consomment-ils autre chose que du vin français ? … La réponse est oui !

Comme dans tous les grands pays producteurs de vin, la consommation de vin en France provient principalement des vins nationaux. Mais les français, plus que leurs voisins italiens et espagnols, s’intéressent aux vins étrangers.

Ouverture au monde dans la consommation nationale de vin

 

En témoignent ces chiffres qui montrent que dans le club des grands pays producteurs de vins, la part des vins importés dans la consommation nationale est plus forte en France (6%) qu’en Espagne (4%) et en Italie (2%). Ces chiffres sont bien sûr en-dessous de ceux de l’Allemagne et des Etats-Unis. Mais ces derniers sont loin de produire suffisamment de vin pour subvenir à leur demande intérieure. Ils sont donc naturellement plus ouverts aux vins du monde.

Quels sont ces consommateurs de vins du monde en France ? A quelles occasions consomment-ils des vins étrangers ? Où les achètent-ils ? Pour comprendre les usages de consommation des vins étrangers en France, il faut d’abord comprendre la structure du marché français du vin.

La structure du marché du vin en France

Deux principaux modes de consommation se répartissent les 3,5 milliards de bouteilles de vin consommées chaque année en France :

    • La consommation à domicile, qui représente les 2/3 du marché en volume. Elle s’organise autour de la grande distribution (44%), c’est à dire de l’achat en supermarché, hypermarché et hard discount. Mais des acteurs historiques comme les cavistes (6%) et les ventes en direct à la propriété (7%), et de nouveaux acteurs comme les sites e-commerce (10%) jouent un rôle important pour créer les tendances.
    • La consommation hors domicile, principalement gérée par les restaurateurs (25%) pour la consommation à table et les débits de boisson (8%) pour la consommation hors repas.

Chacun de ces modes de consommation correspondent à des critères et des dynamiques d’achats bien différents ! En témoigne par exemple les parts de marché de ces mêmes acteurs vues en valeur :

La différence de part de marché s’explique par le prix moyen de la bouteille. Comme on pouvait s’y attendre, il est bien plus élevé chez les restaurateurs que dans la grande distribution. Il est plus cher que la moyenne chez les cavistes, et moins cher sur les sites e-commerce, qui vont de promo en promo et chez qui « c’est la foire des vins tous les jours ».

Ces chiffres doivent être considérés avec prudence car les frontières sont floues entre les différents canaux de vente. En effet, un restaurateur peut très bien acheter son vin à la propriété. Nombreux sont les cavistes qui adoptent une approche multi-canal : vente en magasin et en ligne.  Nos chiffres permettent néanmoins d’identifier les principaux acteurs de la chaîne de valeur. Ils donnent également une bonne idée de leur pouvoir d’influence dans l’initiation et la propagation de nouvelles tendances.

Le marché du vin dans la restauration

Le secteur de la restauration représente un tiers de la consommation de vin en France, en volume. Mais deux tiers en valeur ! Il est donc primordial pour qui veut s’attaquer au marché français du vin de comprendre l’organisation du marché des CHR (Cafés – Hôtels – Restaurants).

Il s’articule autour de :

  • La consommation à table (qu’on appelle la RAT) : il s’agit de la restauration traditionnelle, des hôtels-restaurants, de la restauration collective, des traiteurs, et des cafétarias.
  • Et des débits de boisson, qui sont les principaux acteurs de la restauration hors repas.

La part du vin dans le chiffre d’affaire réalisé au restaurant s’élève en moyenne à 21%.  Soit un marché de près de 12 milliards d’euros par an ! Ce chiffre se répartit entre les vins tranquilles (84%), les vins effervescents (10%) et les autres (6%).

Si le prix moyen du vin lors d’un repas au restaurant est de 8€, ce montant est variable. Il est prouvé que les prix exorbitants, qui peuvent aller jusqu’à 7 fois le prix de la bouteille achetée à la propriété, nuisent au développement du ticket moyen. Les restaurants travaillant leur carte des vins intelligemment en diversifiant et dynamisant leur offre sont avantagés. Et ceux pratiquant en plus des prix compétitifs peuvent espérer un ticket moyen allant jusqu’à 35% de leur chiffre d’affaire !

Lorsque l’on est producteur de vin et que l’on souhaite s’attaquer au marché français de la restauration, il est intéressant de comprendre où vont s’approvisionner les restaurateurs pour les vins qu’ils mettent à leur carte :

On remarque que les fournisseurs qui sont les plus présents dans la restauration sont ceux qui sont organisés pour accompagner leurs clients restaurateurs. En effet, rares sont les restaurants qui disposent d’un sommelier pour constituer leur carte des vins et présenter l’offre aux clients de manière pédagogique. C’est là que réside tout le défi des fournisseurs de vin du secteur de la restauration. Il leur faut :

  • Disposer d’une équipe commerciale solide pour accompagner leurs clients dans la constitution de leur cave
  • Afficher une taille critique pour leur assurer une gestion des stocks fiable, ce qui est difficile dans le secteur du vin
  • Développer une capacité à former leurs clients pour leur permettre de pitcher le vin. Via des cours en ligne ou de véritables master class.

Les grossistes et importateurs comme France Boisson et C10, ou encore Valade et Transandine, apportent de ce fait davantage de solutions que les Cash & Carry type Métro.

Le marché de détail du vin en ligne

De même, la part du e-commerce dans la vente de vin au détail connaît une dynamique remarquable en France. Sa part de marché est passée de 0% à 10% en moins de 10 ans ! 30% des ventes de vin en ligne passeraient d’ailleurs par des applications mobiles. Désormais, les acteurs du e-commerce sont devenus incontournables pour choisir et acheter son vin.

Le leitmotiv du secteur est simple : l’approche multi-canal. La vente en ligne n’est pas seulement un canal de vente supplémentaire pour les acteurs de la vente de vin au détail. C’est un canal qui permet de valoriser les canaux de ventes traditionnels. En témoignent les principaux acteurs qui dynamisent l’offre du vin sur internet :

  • La grande distribution s’est attaquée à ce marché via les formules drive. Elle représente aujourd’hui 22% des ventes de vin en ligne. Nombreux sont les chaînes du super/hyper marchés qui vont plus loin et investissent dans des marques dédiées pour segmenter leur offre. A l’image de Leclerc qui gère une marque et une application mobile dédiées au vin : Ma cave par E.Leclerc dont nous avons parlé ici, et Wine Advisor, dont nous avons parlé .
  • Les cavistes adoptent également rapidement les outils e-commerce pour gagner en compétitivité. Il est désormais possible de commander en ligne et se faire livrer en magasin chez Nicolas par exemple. Certains optent pour une offre élargie en ligne, où la chaîne logistique est plus facile à gérer que dans leurs magasins. Certains proposent même des services à valeur ajoutée, comme Cavissima qui propose de stocker dans ses caves les vins que vous avez achetés.
  • Les acteurs comme TWIL et Les Grappes utilisent internet et les applications mobiles pour casser les chaînes de distribution classiques. Jugeant leur sélection mainstream et le rapport de force commercial défavorable aux producteurs, ils surfent sur une approche « sans intermédiaire ». Ils proposent des vins en direct des vignerons.
  • Enfin nombreux sont les acteurs qui se sont lancés dans les offres de vin par abonnement : les wine box. Elles résolvent ainsi la principale difficulté du consommateur qui peine à choisir son vin dans une offre pléthorique. Les box vous envoient de nouveaux vins à découvrir chaque mois, que vous pouvez ensuite acheter dans leur boutique en ligne. Dans le milieu des années 2010, ces acteurs se sont multipliés, pris dans une dynamique de mode qui a fait long feu. Aujourd’hui, la moitié seulement ont survécu, et l’offre s’est segmentée. Aux côtés du petit ballon, qui reste le leader de ce marché, nombreuses sont les box qui se sont spécialisées dans les vins bio, les vins étrangers, les vin natures…

Quelle place occupent les vins étrangers dans le marché français du vin ?

Les vins étrangers représentent 6% de la consommation de vin en France, en valeur. Ca peut paraître peu, mais ce serait oublier que la France est l’un des plus gros marchés de consommation de vin au monde. Le deuxième, après les Etats-Unis. Nous consommons chaque année 3,6 milliards de bouteilles de vin.

Le marché français des vins étrangers pèse donc près d’un milliard d’euros ! Soit la valeur d’une bonne dizaine d’Airbus. Etant donné qu’il est de coutume de comparer les valeurs de nos exportations de vin avec celles de l’aéronautique, faisons de même avec les importations 🙂

Un marché qui pèse 900 millions d’euros en France

Les deux-tiers des importations françaises de vin proviennent de nos voisins européens. L’Espagne (29%) et l’Italie (20%) sont de loin les pays qui arrivent en tête. Mais cette vision simpliste cache une réalité plus complexe des dynamiques de consommation.

En effet, sur les 900 millions d’euros du marché des vins étrangers en France, il faut commencer par sortir près de 200 M€ qui correspondent à l’importation de vin en vrac. C’est à dire de vins sans appellation, non-embouteillés, destinés à l’embouteillage de vins bas de gamme. Le vignoble français souffre en effet d’un déficit de production des vins d’entrée de gamme pour satisfaire la demande nationale. Ils sont donc importés d’Espagne.

Les 700 M€ restant sont dominés par quelques grandes références qui ont pignon sur rue :

  • Le Prosecco italien (42M€), dont la dynamique ne s’essouffle pas en France. Elle est portée par le succès du fameux Spritz et par une stratégie marketing efficace,
  • Le Cava espagnol (45M€)
  • Le Porto portugais (66M€), dont les français sont devenus les premiers consommateurs au monde à l’occasion du confinement. Devant le Portugal !

Reste un marché dynamique et diversifié de 550M€ qui se répartit pour moitié entre les autres vins européens et les vins du nouveau monde !

Les habitudes d’achat de ces vins du monde sont spécifiques à chaque situation de consommation.

Des usages tirés par la restauration communautaire

Raphaël Herbert, responsable du pôle Vins de C10, l’un des leaders français de la distribution de boissons en CHR nous confirme que la consommation française des vins du monde est tirée par le haut par la « cuisine à thème ». Il s’agit des restaurants de cuisines nationales qui représentent 15% du secteur.

Qui ne connaît pas le Nero D’Avola de la pizzeria de son quartier ? Les restaurants spécialisés dans la gastronomie italienne sont les principaux promoteurs des vins italiens en France. Il en est de même pour les restaurants espagnols pour les vins de la Rioja ou encore de la Ribera del Duero. Des restaurants argentins pour les Malbecs de Mendoza. Des restaurants portugais pour les vins du Douro et du Dao.

Curieusement, seuls les restaurants américains échappent à cette règle, malgré l’intérêt croissant porté par les français pour les vins californiens. Le problème réside ici davantage dans l’absence de gastronomie américaine !

Le succès du vin au verre en CHR

Dans les bars à vin, brasseries et autres débits de boisson, le succès du vin au verre stimule la consommation de vin étrangers, car il incite à la découverte. Plus facile de prendre un risque pour un verre de vin à 4€ que pour une bouteille à 25€, isn’t it ?

Les nouvelles techniques de conditionnement du vin permettent aux restaurateurs de proposer davantage le vin au verre. Cette offre leur permet d’augmenter de 20% la rentabilité de la bouteille ouverte. Pour le consommateur, c’est l’occasion de se lancer dans la découverte de nouveaux vins. Notamment des vins étrangers, qui ouvrent de nouveaux horizons.

Dans son entretien dans nos colonnes, Jean-Luc Soubie analysait que le marché des vins du monde dans la restauration était tiré par deux catégories de consommateurs :

  • Un public jeune, connecté et voyageur. L’existence d’une offre abordable de vin au verre leur permet de franchir le pas et de se lancer dans la découverte de vins lointains. Ces jeunes sont également des influenceurs, capables de créer des tendances via leur communauté et les réseaux sociaux.
  • Un public de cadres, bénéficiant d’un plus grand pouvoir d’achat et ayant une plus grande expérience du vin. Leur travail et leur vie familiale les ont amenés à voyager. Ils ramènent de ces voyages des expériences de dégustations de vins du monde qu’ils souhaitent entretenir et faire découvrir en France.

Les cavistes, à la recherche d’originalité

Le pourcentage des vins du monde achetés dans les réseaux de cavistes locaux est très irrégulier. Il dépend beaucoup des goûts du responsable de la cave. Si celui-ci s’intéresse aux vins étrangers, il va avoir tendance à les proposer à ses clients, d’autant plus efficacement qu’il saura les présenter. Si au contraire le caviste s’intéresse plutôt aux vignerons alternatifs français, c’est davantage vers eux qu’il va les orienter.

Ce qui est sûr, c’est que les cavistes recherchent l’originalité. Ils ont un réel pouvoir d’influence sur les vins qu’ils vendent, grâce à leur proximité avec leurs clients et le lien de confiance qu’ils nouent avec eux. L’enjeu pour les distributeurs de vins étrangers est de pouvoir convaincre ces cavistes de l’originalité et de la qualité de leurs vins. Mais aussi de leur capacité à former ces professionnels, via des dégustations et des master class.

La Cave de Belleville

La Cave de Belleville (© JS/Time Out Paris)

Le e-commerce: la foire aux vins en continu

Comme nous l’avons vu plus haut, le secteur du vin du e-commerce est particulièrement dynamique. Différents types d’acteurs se sont multipliés depuis une dizaine d’années pour proposer des services divers et variés (ventes privées, applications mobiles d’aide à la décision, chatbot, box de vin par abonnement…). Ces acteurs proposent une large gamme de vins « traditionnels ». Mais ils constituent aussi le canal idéal pour couvrir les marchés de niche. Nombreux sont les sites e-commerce spécialisés dans les vins effervescents, les vins bio, natures, et bien sûr les vins étrangers…

La spécificité des sites e-commerce réside dans le dynamisme de leurs offres et de leur organisation logistique. « C’est la foire aux vins tous les jours sur internet » confiait une professionnelle du secteur au micro de Yann Diolo. Si bien que ce canal reste le plus efficace pour se procurer des vins étrangers. Efficace en particulier sur la diversité de l’offre, qui couvre tous les vignobles du monde. Efficace en termes de logistique : livraison en quelques jours, stockage en cave conditionnée chez le vendeur…

Si vous souhaitez renforcer votre cave en vins étrangers, voilà nos conseils sur les sites les plus performants. Généralistes, spécialisés par vignobles, importateurs, distributeurs, caviste multi-canal : il y en a pour tous les goûts et pour toutes les bourses !

La grande consommation à la traîne, mais capable de passer à l’échelle

La grande distribution présente les qualités et les défauts complémentaires à ceux des autres acteurs de la chaîne de valeur.

  • Contrairement aux CHR et aux cavistes, elle ne dispose d’aucun pouvoir d’influence pour lancer de nouvelles tendances. Les enjeux commerciaux sont trop importants pour elle. Elle ne prendra aucun risque de pousser une nouvelle référence sans que celle-ci soit déjà approuvée par le marché. C’est la raison pour laquelle, on ne trouve aujourd’hui dans les rayons des supermarchés, hypermarchés et hard discounts que quelques références de Porto, Prosecco et quelques vins italiens.
  • En revanche, lorsqu’une dynamique se crée, la grande distribution présente cette capacité de savoir la passer à l’échelle. C’est à dire de généraliser sur des gros volumes, une tendance qui serait restée locale ou éphémère sans elle.

C’est le phénomène qu’a connu le Prosecco ces dernières années en France. Suite à une grosse campagne marketing de la marque italienne, le Spritz s’est imposé sur les tables de nos débits de boisson comme le cocktail d’apéritif à la mode. La grande distribution a su s’emparer du phénomène pour le généraliser et le rendre mainstream.

Un dernier graphique pour la route ! D’après nos calculs, voilà le pourcentage que représente la valeur des vins étrangers pour chacun de ces canaux de consommation :

 

Jusque là, il y a 2 commentaires

Pauline

Bonjour François,

Votre article est très intéressant et je souhaiterais l’utiliser pour un projet, cependant sauf erreur de ma part, les données des graphiques ne sont pas datées. Par exemple pour le graphique concernant la « Consommation de vin en France par canal de vente », à quelle date/année correspondent les chiffres donnés ?

Cet article est-il réalisé avec des sources officielles ou est-ce votre propre analyse de marché ? 🙂

Je vous remercie par avance et vous souhaite une bonne journée.
Cordialement,
Pauline

Réponse
Léonard

Bonjour François,
C’est un article très intéressant, et on voit que le sujet est maitrisé. Il y a de nombreux points qui m’ont étonnés, notamment la source d’appro des restaurateurs…

Vous chiffres sont-ils tirés de l’OIV ? Comment vous êtes-vous renseigné sur le sujet ?

Je suis tombé sur l’article tout à fait par hasard en recherchant « vin étrangers », votre blog est une vraie mine d’information ! Je ne manquerai pas de lire d’autres articles [image]https://www.clos34.com/[/image]

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