Le vignoble argentin, béni des Andes

Plus que nulle part ailleurs dans le nouveau monde, le vin fait partie intégrante de l’identité nationale argentine. Et ce pour plusieurs raisons !

  • C’est d’abord le pays du nouveau monde qui consomme le plus de vin
  • Le vignoble argentin a su trouver ses cépages signatures qui forgent son identité
  • C’est un vignoble complet, capable de produire en qualité des vins de différents styles
  • La culture populaire considère le vin comme faisant partie de son ADN. En témoignent ses fêtes du vin qui rythment la vie des argentins
  • C’est enfin un pays où la culture du vin est étroitement liée à celle de sa gastronomie
Parmi les pays du nouveau monde, l’Argentine est celui où la consommation de vin par habitant est la plus forte

Si l’histoire du vignoble argentin est somme toute assez classique, sa géographie, ses cépages, et sa culture en font un vignoble unique. Qu’est ce qui en fait un vignoble si spécial ?

L’histoire classique d’un vignoble du nouveau monde

Il y a plus de cinq siècles, les jésuites débarquent dans le sillage des conquistadors à Cordoba, dans le centre du pays. Fidèles à leurs habitudes, ils créent des vignobles pour produire le vin dont leur office a besoin.

Après l’expulsion des jésuites en 1767, c’est à Mendoza que l’histoire du vin argentin se poursuit. En 1885, l’apparition du chemin de fer qui relie la région à Buenos Aires, et l’arrivée d’immigrants italiens et espagnols dynamisent la viticulture à Mendoza. Ces immigrants amènent de nouveaux cépages, de nouvelles techniques et un savoir-faire de haut niveau.

Dans les années 70, l’industrie viticole argentine souffre de l’instabilité politique. Les vignerons négligent la qualité de leurs vins, alors que la surproduction de vins bas de gamme menace le secteur.

Dans les années 1990, l’ouverture économique du pays, le contrôle des volumes de production et le soutien de conseillers oenologues internationaux, permettent au vignoble de se redresser. Michel Rolland et Robert Parker découvrent les Malbecs de Mendoza et misent sur son succès à l’international. Ils ont eu du nez ! Le virage qualitatif, soutenu par la dévaluation de la monnaie locale portent les exportations qui explosent dans les années 2000.

Aujourd’hui, l’Argentine s’impose comme un pays central du nouveau monde. Le pays apparaît dans le top10 mondial de tous les critères qui définissent le cercle restreint des grands pays viticoles : la surface du vignoble (6ème), la production de vin (5ème), la consommation de vin (9ème).

Un vignoble placé sous la protection des Andes

Le vignoble argentin doit tout à la montagne. Le sol, l’altitude, la température, l’exposition au soleil, le vent, la faible humidité et les sources d’eau sont autant d’atouts que le vignoble doit à la Cordillère des Andes !

Les vignobles les plus hauts du monde

Les vignes les plus renommées sont plantées au pied des Andes, à une altitude atteignant facilement 1500m et qui peut monter jusqu’à 3000m !

Cette exposition exceptionnelle se caractérise par un ensoleillement maximum et une amplitude des températures très large dans une même journée. Ces écarts importants de température expliquent la production de baies sucrées et d’un jus d’une belle acidité, tous deux nécessaires à la vinification de vins équilibrés et aptes à la garde.

Le bien le plus stratégique : l’eau

Selon un phénomène similaire à celui du vignoble de Washington, le vignoble argentin se concentre dans ce qu’on appelle le « rain shadow ». Une zone aux précipitations très faibles due à la protection des Andes, où l’irrigation est nécessaire.

Avant même l’arrivée des espagnols, les indiens avaient déjà construit d’ingénieux systèmes d’irrigation destinés à récupérer l’eau des montagnes, issue de la fonte des neiges. Ces infrastructures stratégiques n’ont cessé d’être modernisées irriguer les vallées viticoles et agricoles en contre-bas.

Une fois le problème de l’eau résolu, la sécheresse de la région devient un atout ! L’humidité présente en effet un risque pour la vigne car elle favorise les maladies comme le mildiou. Ces maladies se traitent de manière préventive par la pulvérisation d’intrants chimiques : la bouillie bordelaise, le soufre, …

La sécheresse et le vent permettent d’éviter l’utilisation de ces produits chimiques et favorisent la viticulture biologique. Elle reste pourtant marginale en Argentine. Le bio ne représente pas plus de 3% du vignoble argentin. Ce pourcentage reste dans la moyenne des pays du nouveau monde, mais en deçà de la moyenne mondiale (5%) et loin des chiffres européens (9%).

Des cépages signatures qui forgent l’identité du vignoble argentin

Dans les années 90, le virage qualitatif du vignoble argentin a donné lieu à une évolution notable de l’encépagement. Les cépages rouges et rosés autochtones ont perdu du poids au profit des cépages internationaux (Cabernet Sauvignon, Cabernet France, Syrah) et des deux cépages qui sont devenus emblématiques du pays : Le Malbec en rouge et le Torrontes en blanc.

Le Malbec, porte drapeau des vins rouges argentins

Le Malbec est un cépage originaire du sud de la France, introduit en Argentine en 1853 par Michel Aimé Pouget. Ce technicien viticole bordelais fut embauché par le gouverneur de Mendoza pour développer le vignoble.

150 ans plus tard, le Malbec est devenu le porte-drapeau des vins argentins ! Dans la région de Mendoza, il a rencontré un terroir et un climat qui lui sont particulièrement favorables. Il révèle une intensité aromatique et une structure tannique hors normes. Il est reconnaissable par les arômes floraux et de fruits des bois qu’il libère.

Il est devenu aussi indissociable du vignoble de Mendoza que le Pinot noir l’est à la Bourgogne.

Le Torrontes, le roi des hauts vignobles

Le Torrontés argentin est un cépage qui existe sous plusieurs variantes, issues de croisements différents. Il a trouvé dans les hauts vignobles de Cafayate, dans la région nord de la Salta son terroir de prédilection.

D’autres cépages permettent au vignoble de conserver de la diversité

Le Bonarda est le cépage rouge le plus vinifié en volume en Argentine, alors qu’il n’est que le troisième en surface plantée. C’est dire que ses rendements sont élevés, ce qui justifie son statut de vin d’entrée de gamme.

Le Criolla Grande était, avant l’arrivée du Malbec, le cépage le plus planté en Argentine. C’est un cépage autochtone de petite qualité qui permet de vinifier des vins de table destinés au marché local.

Enfin les grands cépages internationaux ont trouvé leur place dans le vignoble argentin. Les cabernet sauvignon, cabernet franc et Chardonnay dans les vignobles chauds de la vallée de Cuyo. La Syrah et le Sauvignon blanc dans la région plus fraiche de Patagonie.

Entre cépages internationaux, cépages signatures et cépages historiques, le vignoble argentin conserve une certaine diversité qui lui permet de produire des vins aux styles bien différents.

Trois grandes régions, trois grands styles

Le vignoble argentin peut être décomposé en trois régions, chacune ayant un style qui lui est propre.

le vignoble argentin en carte

La région de Salta, patrie du Torrontes

Au nord, le vignoble de Salta est probablement le vignoble le plus haut du monde. Autour de la petite ville de Cafayate, il culmine en moyenne à 1700 mètres d’altitude et certains domaines montent jusqu’à 3000 mètres !

La Salta est le berceau du cépage Torrontes, qui produit des vins très fruités aux notes épicées. Ces vins, qui rappellent souvent le Gewürztraminer alsacien, peuvent parfois dérouter le dégustateur par ses arômes marqués.

le vignoble de Cafayate (Salta) en image

La vallée de Cuyo : Rioja, San Juan, Mendoza

Au centre, la vallée du Cuyo, qui produit la plus grande partie du vin argentin, se divise elle-même en 3 vignobles : La Rioja, San Juan et Mendoza

Autour de la ville de Famatina, le vignoble de La Rioja est connu pour ses vins mousseux vinifiés à partir de Torrontes Riojano. Il produit un vin vif aux arômes fruités (fruits tropicaux) et floraux (rose).

La reconversion qualitative du vignoble de San Juan est la plus récente. La région a souvent produit du vin de mauvaise qualité. C’est la vinification de grands Syrah dans la vallée du Tulum qui fait aujourd’hui la fierté du vignoble.

La région de Mendoza est la capitale argentine du vin. Elle bénéficie d’une exposition et d’un climat exceptionnels qui en font également la capitale mondiale du Malbec, bien que l’on y trouve également d’excellents Cabernets Sauvignon.

La Patagonie au sud

Plus au sud, la Patagonie est davantage soumise aux influences océaniques. Les températures y sont plus fraîches, malgré une altitude très basse (250m en moyenne). La région est propice à la vinification de vins secs et frais à partir de Sauvignon blanc et de Pinot Noir.

le vignoble argentin en quelques chiffres

Un pays à la culture du vin

Une culture du terroir

Il est intéressant de noter que les plus grands vins rouges argentins sont des vins d’assemblages. A l’image des vins des bodegas Nicolas Catena Zapata, Vinos de Potreros et le Cheval des Andes, qui associent harmonieusement les cépages Malbec et Cabernet Sauvignon.

Si les vins blancs, comme partout dans le monde, tendent davantage à être vinifiés en monocépage, certains grands vignerons vinifient d’excellents assemblages. Une vigneronne en l’occurrence réussit cet exercice à merveille : Susana Balbo, une des plus grandes femmes productrices de vin, experte dans le cépage Torrontes.


Cette culture de l’assemblage est emblématique du paradoxe argentin : c’est un vignoble du nouveau monde qui sait aussi bien faire des vins de terroirs que des vins de cépages.

Une culture de la consommation du vin

Si les vins argentins sont méconnus du grand public, c’est que les argentins en sont de tels consommateurs qu’ils n’exportent que 5% de leur production ! Contrairement au Chili, qui produit du vin essentiellement destiné à l’export, l’Argentine est un pays à la fois producteur et consommateur.

En témoigne la célèbre fête des vendanges de Mendoza, qui transforme chaque année la ville en capitale mondiale du vin. Cette fête a lieu en mars, car je vous rappelle que dans l’hémisphère sud, les saisons sont inversées :). Avec ses centaines de chars et de danseurs, elle constitue le plus grand événement autour du vin du continent sud-américain !

Une culture gastronomique

La gastronomie argentine, c’est avant tout le boeuf. Les argentins en consommeraient en moyenne 100 kg par an !

Ils en cuisinent toutes les pièces, sous toutes leurs formes : en Asados (grillades), en empenadas (sortes de petites calzones), en milanesa (pané), en hachis, farci. Mais aussi en croute : le boeuf est mariné dans un ensemble d’épices, d’huile, de vinaigre, d’ail et d’oignon, puis cuit en pâte.

Dans l’un de nos précédents articles, nous évoquions l’harmonie naturelle entre les vins et la gastronomie locale :

Privilégier les mets et les vins originaires de la même région. On ne sait finalement pas trop pourquoi cette pratique est la bonne, mais l’homme et la nature font généralement bien les choses et produisent des vins et des spécialités gastronomiques locales qui s’associent naturellement. Quel meilleur exemple que la charcuterie lyonnaise qui s’associe naturellement aux vins voisins de la vallée du Rhône ?

vinsdumonde.blog, Comment choisir une bouteille de vin ?

Cette réflexion s’applique à la lettre à l’association naturelle des vins de Malbec à la cuisine du boeuf argentin !

Pour en savoir plus en images sur le vignoble argentin


Pour le moment, il n'y a qu'un commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *